Carrérouge*
Présentation sommaire
La revue Carrérouge (1957-1960) est née dans la continuité de Carreau, en partie avec les mêmes collaborateurs. Les quatre, puis six pages de chacun de ses quatorze numéros sont consacrées à l’art, à la littérature, au théâtre, au cinéma, et, principalement dans les derniers numéros, à la musique contemporaine. Carrérouge prône la diffusion d’une culture vivante et innovante dans l’espace intellectuel suisse romand jugé trop bien-pensant par ses rédacteurs (« Editorial », n° 1, octobre 1957). Par ailleurs, un ancrage dans le pays est affirmé sans que ce parti pris n’engendre un monopole des thématiques suisses. Située en marge de la culture romande officielle, la nébuleuse de cette revue clairement avant-gardiste tourne autour de Freddy Buache. S’il y a parenté et collaboration avec le Ciné-Club de Lausanne, la revue revendique son indépendance. En plus d’articles critiques, elle propose de nombreux textes d’auteurs et donne la part belle à une figure de l’anticonformisme, Edmond Gilliard, véritable maître à penser de quelques-uns de ses rédacteurs.
Tiphaine Robert
Création
La revue Carrérouge est lancée en 1957 par Freddy Buache, l’ancien directeur de Carreau. La Guilde du Disque avait repris Carreau en 1955 et l’espace dédié à la peinture, au cinéma et à la sculpture avait, de fait, fortement diminué. Insatisfait de la direction que la revue était en train de prendre, Buache décida de fonder Carrérouge, un journal mensuel lausannois ouvert à toutes formes d’art avant-gardiste.
Le nom «Carrérouge» est issu d’une discussion entre Buache et ses amis : «carré» fait référence à Carreau, vraisemblablement pour suggérer aux lecteurs la parenté entre les deux revues. Quant à l’adjectif rouge, il n’est pas sans évoquer la couleur politique.
Tiphaine Robert
Equipe
Carrérouge tourne presque entièrement autour de Freddy Buache, son rédacteur en chef. Il signe le premier éditorial aux côtés de Michel Péclard, le typographe, et Alfred Thuillard, l’imprimeur. D’Allemagne, François Lachenal prodigue ses conseils à Buache et rédige quelques articles. D’autres anciens de Traits ou de Carreau participent au nouveau périodique comme Alfred Wild, et, à de plus rares occasions, Pierre Beausire. Parmi les collaborateurs apparaissent des noms de jeunes anticonformistes romands profilés à gauche comme Jeanlouis Cornuz (1922-2007), membre du POP, ou son camarade de parti, le spécialiste de jazz Michel Denoréaz (1929), qui est aussi co-fondateur du Ciné-Club de Lausanne et qui avait collaboré à Carreau. Citons également Yves Velan (1925) l’un des fondateurs de la revue Rencontre. Cette génération se montre critique envers la société et la culture de masse et ses préoccupations sociales s’expriment dans des articles sur l’art ou la littérature.
S’il ne fait pas directement partie des rédacteurs, l’écrivain Edmond Gilliard (1875 – 1969) représente une autorité morale et on le tient au courant de l’évolution de Carrérouge. Après la guerre, son anticonformisme fait de lui un modèle pour la nouvelle génération d’intellectuels qui s’opposent à la culture «bourgeoise». Cette présence morale s’explique aussi par l’implication de Lachenal qui veille aux intérêts de son ancien maître et par l’amitié qui lie l’épouse de Buache, l’écrivain Marie-Madeleine Brumagne, à Gilliard.
André Bonnard (1888–1959) influencera également Buache et la ligne de sa revue pour laquelle il a signé quelques articles. Comme Gilliard, il déploie dans ses écrits une vision humaniste de la culture et est considéré comme une référence pour la gauche lausannoise. Pacifiste actif, président du Mouvement des Partisans pour la Paix en Suisse, il incarne le véritable lettré engagé et cette manière de s’investir par l’écriture est tangible et constante dans les colonnes de Carrérouge.
Pierre Barde, Louis Bolle, Raymond Borde, René Bovard, Jean Breton, Jacques Chessex, Charles-Albert Cingria, G. E. Clancier, Pierre Conne, Jacques Duchâteau, Gisiger (sous le pseudonyme de Boissardin), Ado Kyrou, Jean Lescure, André Marissel, Jacques Monnier, Jacques Pajak, Raymond Queneau, Louis Seguin, Henri Tanner, P. L. Thirard, Edgar Tripet, André Verdet, Jean-Pierre Vouga, Jules Vuillemin ont collaboré à Carrérouge.
Tiphaine Robert
Etapes
D’un bout à l’autre de l’existence de Carrérouge, c’est Freddy Buache qui gère l’organisation et accomplit les tâches pratiques. Le parcours de la revue est rythmé par des allées et venues d’auteurs proches de Buache qui apportent leurs contributions plus ou moins régulièrement. Même si la revue ne paraît pas chaque mois (à l’exception des quatre premiers numéros), Buache s’efforce de maintenir une certaine stabilité quant à la forme et au contenu.
Le neuvième numéro de Carrérouge, paru en décembre 1958, constitue une étape importante; augmentée d’une feuille recto verso jusqu’à son avant-dernière parution en février 1960, la revue passe en effet de quatre à six pages. Dans son éditorial, Freddy Buache annonce sept futurs numéros enrichis de cette nouvelle page où sera retranscrite une série d’entretiens avec Edmond Gilliard réalisés par Georges Anex pour Radio-Sottens en 1958. Le but est de faire connaître cet écrivain atypique, ignoré trop injustement par l’aire culturelle romande dite officielle. Dès ce neuvième numéro et jusqu’à la fin, on observe que Carrérouge s’articule sur deux principaux volets : Edmond Gilliard et la musique. La forme des dernières livraisons diffère donc largement de celle des premières dont les thématiques étaient plus variées.
Le treizième numéro contient un petit questionnaire à envoyer à la rédaction qui interroge le lecteur sur ses attentes, alors que le quatorzième et dernier numéro est consacré à Boris Vian sous forme d’hommage. On peut ainsi se demander pourquoi la revue s’est arrêtée en si bonne voie.
Il est probable que Buache, au moment où sa carrière à la Cinémathèque commence à se dessiner, souhaite se consacrer entièrement à cette nouvelle institution. Par ailleurs, on peut aussi penser qu’il se devait d’être «irréprochable» aux yeux des autorités pour être soutenu financièrement et logistiquement par ces dernières. Même si la revue est plutôt modérée et peu colorée politiquement, l’amalgame entre avant-garde et communisme est aisément faisable. Cela pourrait être une raison de l’arrêt de Carrérouge.
Tiphaine Robert
Aspects formels
Carrérouge se présente comme un journal richement illustré, à la mise en page et au graphisme très modernes. La revue est en outre dépourvue de rubriques. L’inhabituel format A 3 met en valeur les reproductions de tableaux et les photos et explique le petit nombre de pages; le contenu de Carrérouge s’articule en effet sur quatre pages jusqu’au huitième numéro, et sur six pages à partir du neuvième numéro (à l’exception du n° 14).
La une est presque toujours dédiée à l’art, principalement pictural et abstrait (à l’exception des n° 5, 9, 12 et 14) alors que la dernière page est généralement consacrée au cinéma et comprend la colonne des programmes du Ciné-Club de Lausanne (à l’exception des n° 7, 11, 12, 14). Les thématiques des pages intérieures sont plutôt variables. Durant les premiers mois, l’accent est mis sur la littérature. À partir du n° 5, une place est faite à la musique et elle sera renforcée dès le n°9; des sujets autour de la musique contemporaine seront dès lors développés au gré d’articles et de réactions de lecteurs (n° 9, 10, 11). François Lachenal interviendra régulièrement dans Carrérouge à ce sujet.
La typologie des articles parus dans Carrérouge est aussi variée que les sujets abordés. La majorité sont des textes d’opinion et de critique, mais on trouve aussi des comptes rendus, des critiques littéraires, des lettres de lecteur, des interviews, des entretiens, des poèmes et des notes de lecture.
En outre, la revue ne se limite pas à donner un seul point de vue; Carrérouge se plait à jouer le rôle de tribune ouverte à la discussion de questions artistiques. Nombreux sont ainsi les débats suscités par différents articles polémiques. On pense notamment à la controverse entre Hansjörg Gisiger (dont le pseudonyme est Boissardin) et Jacques Pajak sur le Tachisme qui alimentera les colonnes des trois premiers numéros, ou encore au débat entre Pierre Conne et Pierre Favre sur la pièce Bérénice de Robert Brasillach (jugée antisémite par le premier) dans les 3ème et 4ème numéro. Une autre discussion, qui laissera apparaître des querelles au sein du milieu existentialiste français et suisse romand, est lancée par un article de François Burnan (n°9), surmonté d’un texte ironique et très dur de Freddy Buache envers ce critique de cinéma, ex-existentialiste devenu fervent catholique. Emblématique est aussi l’opération lancée dans les onzième et douzième numéros: la rédaction demande à plusieurs spécialistes leur avis sur la musique contemporaine et publie leurs réponses sur la même page afin que le lecteur puisse faire une comparaison critique.
Format, mise en page, organisation et contenu de Carrérouge sont donc novateurs et relèvent de la volonté d’abandonner à tous les niveaux le «classique» assimilé au conformisme.
Tiphaine Robert
Positions
L’un des premiers buts de Carrérouge est d’évoquer des artistes et auteurs originaires du cru qui sont bien souvent obligés de quitter la Suisse pour se faire éditer ou exposer. C’est ce que fera Buache en ouvrant ses colonnes à des textes ou des poèmes d’auteurs suisses (Jacques Pajak, Jacques Chessex, Jean Hercourt, Léon Prébandier, Charles-Albert Cingria, Maurice Kuès et bien sûr Edmond Gilliard) ou en présentant des artistes suisses (Charles Rollier, Oskar Dalvit, Otto Senn (architecture), Sandro Baratelli, Jean-Louis Coulot, Louis-Paul Favre, Pierre Raetz).
La position culturelle de Carrérouge est clairement avant-gardiste que ce soit dans le domaine de la peinture ou de la musique. En ce qui concerne le cinéma, la question est plus délicate, Buache étant plus réservé face à une certaine avant-garde. Il ne s’exprime pas encore, dans les colonnes de Carrérouge, sur La Nouvelle Vague explosant littéralement au cours de 1960 avec À bout de souffle de Godard. Il le fera largement par la suite, d’abord de manière très négative car il considère les thématiques de ces films comme « bourgeoises », avant de nuancer ses propos quelques années plus tard. Ainsi, les réalisateurs évoqués dans Carrérouge sont avant tout ceux qui sont proches de la sensibilité "surréalisante" de Buache et celle "socialisante" de Raymond Borde : Welles, Weiss, Anderson, Huston, Carné et encore Bunuel.
Quant à la peinture, elle connaît, en cette fin de décennie, une véritable crise et subit une sérieuse remise en question que l’on perçoit bien dans les textes au ton très polémique de Gisiger (Boissardin) qui critique sévèrement la peinture contemporaine que Pajak tente de défendre tant bien que mal. Les artistes présentés dans Carrérouge sont emblématiques de l’art abstrait de cette fin des années cinquante, une peinture expressionniste, vive et personnelle. Buache ne présente pas des "valeurs sûres" (on pense à Giacometti ou Tinguely que Buache connaissait d’ailleurs) mais des artistes souvent jeunes et "locaux", le but étant de les faire connaître.
Pour ce qui est de la musique, même si la revue aborde principalement la musique contemporaine notamment électronique, alors à ses premiers balbutiements, on compte aussi quelques articles consacrés au jazz, rédigés par Donoréaz. La publication de textes d’Antoine Goléa consacrés à Pierre Boulez et Karlheinz Stockhausen a suscité les réponses d’éminents spécialistes comme Ernest Ansermet qui réagit de manière très virulente contre cette musique qu’il juge aberrante («La jeune musique», n° 10, mars 1959), mais aussi des réceptions positives, celles de René Dumesnil, Claude Rostand, Stockhausen et Boulez eux-mêmes, ainsi qu’Emmanuel Buenzod pour ne citer qu’eux.
Carrérouge n’est pas une revue politique. Toutefois, la politique n’est pas tout à fait absente de ses colonnes et sa manifestation, toute discrète qu’elle soit, peut par exemple se faire en mettant l’accent sur des personnages qui ont un message, de préférence social. Buache et ses collaborateurs ne s’intéressent pas à l’art pour l’art, mais sont élogieux envers des écrivains, artistes, réalisateurs qui donnent un contexte et un contenu à leur œuvre. Le travail du peintre, par exemple, doit être authentique, synonyme d’expression personnelle et, pourquoi pas, s’ancrer dans un contexte politico-historique en évoquant par exemple la boucherie de Budapest (CHESSEX, J. : «Pierrre Raetz», n° 11, mai-juin 1959) ou la guerre civile en Algérie. La démarche est analogue pour le cinéma et la littérature, souvent par la plume anti-bourgeoise de Borde ou par l’intermédiaire de Buache, très critique face à la société civile suisse qu’il juge anesthésiée à coup de frigidaire et de vacances payées (BUACHE, F. : «Je d’Yves Velan», n° 12, novembre 1959). Les productions évoquées dans Carrérouge portent ainsi des revendications sociales et sont souvent critiques envers l’ordre établi à l’image de la sélection de textes d’Edmond Gilliard. Par ailleurs, des positions pacifistes, plus rares et dispersées, apparaissent dans des textes de Maurice Kuès et Boris Vian.
Un autre thème abordé par Carrérouge est la censure cinématographique. Deux articles d’un certain Woh Barblan critiquent sévèrement les autorités et les coupes qu’elles effectuent dans certains films sans que le spectateur ne s’en rende forcément compte. Sur la même page du premier de ces deux articles, l'habituel encadré du Ciné-Club ne propose pas un programme, mais l'annonce d'une sortie à Évian (organisée en collaboration avec la Cinémathèque suisse) pour aller voir le film La vie criminelle d'Archibald de la Cruz de Bunuel, qui avait fait scandale à sa sortie en 1955. Ce type de sorties était en fait fréquemment organisé par Buache depuis 1951 pour voir des films censurés ou dont le contenu avait été édulcoré en Suisse romande.
On perçoit aussi en filigrane une critique visant la politique de surveillance et de répression des idées qu’on définirait aujourd’hui comme « crypto-communistes », principalement dans l’article cité plus haut sur le livre de Velan où Buache raconte comment le vrai visage de la Suisse apparaît au personnage principal.
La religion et l’existentialisme sont des thèmes très présents dans Carrérouge. Buache comme Beausire déclarent ouvertement leur athéisme et critiquent sévèrement le christianisme. Mais Buache a le mérite d’ouvrir sa revue à un avis contraire, celui de Wild qui considère l’athéisme tout autant dogmatique et irrationnel que la foi.
Enfin, et c’est là le reflet du climat intellectuel français et suisse romand depuis l’émergence de Sartre, l’existentialisme est régulièrement abordé et associé à la politique. L’avis de Buache, nuancé par Cornuz, est emblématique de l’imprégnation existentialiste de Carrérouge. Selon le rédacteur en chef, il s’agit de s’engager, de prendre parti dans la société civile en tant qu’intellectuel et non en tant que militant inscrit dans un parti. Buache refuse en effet de s’engager concrètement au Parti Populaire Ouvrier avec lequel il entrera d’ailleurs régulièrement en conflit au sujet des positions sartriennes face à l’engagement politique.
Tiphaine Robert
Financement
Carrérouge s’autofinance à travers les abonnements et la vente de quelques exemplaires en kiosques. Les annonces du Ciné-club de Lausanne, qui paraissent en dernière page, génèrent aussi une entrée d’argent. Mis à part cela, aucune publicité n’apparaît. Cette décision de ne pas accueillir d’annonceurs s’explique par la volonté de Buache de proposer une revue totalement libre, sans acteurs économiques ou politiques qui pourraient l’influencer, quelle qu’en soit la manière.
La revue vit donc essentiellement de l’enthousiasme de ses collaborateurs puisqu’elle ne paie pas les auteurs qui travaillent gratuitement par amitié pour Freddy Buache.
Tiphaine Robert
Rayonnement
À ce jour, nous ne possédons que très peu d’informations sur le lectorat, le tirage et la réception de Carrérouge. Il semble que Carreau comme Carrérouge sont vendus dans quelques kiosques lausannois seulement. Dans un encart du n° 7, paru en juillet 1958, Freddy Buache écrit : «La presse officielle de notre pays -toujours prête à accorder de l'importance à tout ce qui se fait chez nous -à condition que cela soit conformiste et bien-pensant- nous ignore superbement. N'est-ce pas bon signe?». Plus tard, dans le n° 9, à l’heure d’un bilan intermédiaire, Buache explique que Carrérouge est toujours ignoré par les organes de presse suisse alors que des revues et journaux étrangers ont accordé de nombreuses notes à la revue lausannoise. Juste après la parution de ce numéro, un journaliste du Journal de Genève («Quelques revues illustrées», 20 mars 1959) présente enfin Carrérouge aux cotés de Pour l’Art, Kunst und Volk, Hortulus, L’œil et Crapouillot annonce son avant-gardisme tout en regrettant de ne pas avoir connu plus tôt cette revue. Quant au nombre d’abonnés, le journaliste du Journal de Genève avance le chiffre très vague de «quelques centaines de lecteurs (toujours les mêmes)». La revue plaît au chroniqueur, mais cette reconnaissance est tout à fait isolée.
Globalement, on ne parle pas de Carrérouge par méconnaissance ou par méfiance. Dans cette atmosphère de «chasse aux sorcières» qu’engendre la guerre froide, les rédactions ne souhaitent probablement pas accorder de l’importance à un groupe aux sympathies a priori communistes.
Tiphaine Robert
Textes programmatiques
Avis contemporains
«Cette revue d'avant-garde, format quotidien, existe depuis quatorze mois. L'éditorialiste du présent numéro relève, non sans amertume, le silence de ce qu'il appelle « la presse officielle ». En ce qui me concerne, je dois préciser que si j'ai péché, c'est par pure ignorance. Je bats ma coulpe : « Carrérouge » m'intéresse, je regrette de ne l'avoir connu plus tôt. Une fois de plus, le miracle se répète en notre avare terre romande. De quoi vit « Carrérouge » ? De l'enthousiasme de ceux qui le font, de la bonne volonté de quelques centaines de lecteurs (toujours les mêmes) et de l'appui discret du Ciné-Club lausannois, dont l'animateur, M. Freddy Buache, est aussi le rédacteur responsable de la revue. De qui se réclame-t-elle ? D'Edmond Gilliard et d'André Bonnard, les seuls, précise toujours notre éditorialiste, « à fonder, ici et aujourd'hui, un humanisme dynamique, source de réflexions généreuses et non fontaine pétrifiante de nos velléités, de nos alibis, de nos démissions ». « Carrérouge » consacre d'ailleurs tout un feuillet supplémentaire au premier. On y trouvera le début des entretiens radiophoniques de Georges Anex et Gilliard, ainsi qu'un article peu connu, mais toujours actuel, du second sur le sens de l'expression « littérature nationale », article publié en 1914 dans les « Cahiers vaudois ». Le reste du numéro est consacré à la musique dite « mobile » et, plus particulièrement, au jeune compositeur allemand Karlheinz Stockhausen.»
«Quelques revues illustrées», Journal de Genève, 20 mars 1959
- Pierre BEAUSIRE (1902 - 1990)
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Elève d’Edmond Gilliard. Né à Gryon (Vaud), il obtient une licence ès lettres en 1936 et un doctorat sur Mallarmé en 1942 de l’Université de Lausanne. D’abord enseignant dans les lycées et gymnases vaudois dès 1927, il occupe le poste d'assistant à l'Ecole de français moderne à l'Université de Lausanne en 1937. Il est professeur de littérature française à l'Ecole des hautes études économiques et sociales de Saint-Gall de 1938 à 1967, année de sa retraite. A côté de son parcours d’enseignant et d’académicien, Beausire anime plusieurs revues littéraires romandes, en particulier la Revue de Belles-Lettres, Présence puis Suisse romande, dans lesquelles il défend des thèses humanistes. après guerre, il collabore notamment à Suisse contemporaine et Carrérouge. Il est également reconnu pour son œuvre poétique et ses activités d’essayiste et de critique littéraire. Lauréat du Prix Rambert en 1935 et à deux reprises du Prix Schiller, en 1930 et en 1942, et officier des Palmes académiques en 1968.
Elisa Conti
- Freddy BUACHE (1924 - ?)
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Admirateur d’Edmond Gilliard, Buache se reconnaît dans sa pensée anticonformiste et fait partie de son entourage. Défendant des idées de gauche, il critique toutefois vivement le Parti Communiste Français et le stalinisme, ce qui ne l’empêche pas d’être considéré comme subversif (et donc surveillé par la police fédérale) en raison de son anticonformisme. Il participe à Carreau et fonde Carrérouge en 1957. En 1951, il est directeur de la Cinémathèque de Lausanne et à partir de 1959, rédacteur de la page culturelle dominicale de la Tribune de Lausanne. Pendant les années cinquante et soixante, il est fortement critiqué pour sa couleur politique. Cependant, il sera nommé en 1968 co-directeur du « Festival del film di Locarno ».
Tiphaine Robert
- Jeanlouis CORNUZ (1922 - 2007)
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Enseignant de formation, il travaille aussi comme écrivain et journaliste. Il n’a pas été élève de Gilliard, mais il en est un admirateur et un ami. Dans son entourage, il est probablement la personne la plus engagée politiquement, traducteur au Tribunal de Nuremberg et député du POP au Grand Conseil vaudois, il collabore à plusieurs revues en tant que critique parmi lesquelles Pour l’Art et Carrérouge.
Tiphaine Robert
- Michel DENORÉAZ (1929 - ?)
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Diplômé en droit à l’université de Lausanne, il est en 1946 co-fondateur du Ciné-club de Lausanne. Dès 1948, il est membre du POP et rédacteur au journal La Voix ouvrière. Il collabore à Carreau et Carrérouge en écrivant des articles critiques dans le domaine du jazz. Lui aussi fait partie de l’entourage des amis et partisans d’Edmond Gilliard.
Tiphaine Robert
- Hansjörg GISIGER (1919 - 2008)
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Pseudonyme du bâlois Hansjörg Gisiger. Sculpteur, il collabore comme critique d’art à la revue Carrérouge. En 1954, il fonde le groupe d’expression artistique Espace et en 1956, il est nommé professeur à l’Ecole des Beaux-Arts de Lausanne.
Tiphaine Robert
- Jacques PAJAK (1930 - 1965)
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Né à Strasbourg, Pajak fréquente l’École d’Architecture de Strasbourg pour entamer ensuite des études de cinématographie. De 1950 à 1960, il se consacre à la peinture et en 1961, à l’art graphique et à l’esthétique industrielle. Il collabore avec Freddy Buache à Carrérouge en rédigeant des articles sur la peinture.
Tiphaine Robert
- Alfred WILD (1899 - 1976)
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Ancien élève d’Edmond Gilliard, il partage la cause littéraire de son maître et son esprit anticonformiste. Après une licence es lettres obtenue à l?université de Lausanne en 1921, il enseigne à Aigle (littérature et langues anciennes). Wild collabore – des années trente aux années soixante – avec le groupe d’amis formé par Gilliard, Lachenal, Buache et Beausire aux revues Présence, Traits, Carreau, Carrérouge où il s’occupe d’articles consacrés à la littérature. Wild a aussi été critique littéraire à la Gazette de Lausanne. En 1965, il collabore à la publication des Œuvres complètes d’Edmond Gilliard avec ses amis Lachenal, Beausire, Descoullayes, Moser, Désponde et lui-même publiera deux ouvrages sur la morale et la philosophie.
Tiphaine Robert
Références bibliographiques de la littérature secondaire
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, Edmond Gilliard et la vie culturelle romande d'un après-guerre à l'autre (1920-1950): portrait du groupe avec maître , Lausanne : Editions Antipodes, 2010, 365 p.
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, Lausanne le temps des audaces, les idées, les lettres et les arts de 1945 à 1955 , Lausanne : Éditions Payot, 1993, 446 p.
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, "La Cinémathèque c'est moi!": Freddy Buache E La Cinémathèque Suisse (1948-1975): Progetti culturali e dibattiti ideologici , Fribourg : Travail de licence polycopié, 2007, 191 p.