Revues Culturelles Suisses

Revue

Cité Humaine*

Présentation sommaire

C'est dans la «nébuleuse personnaliste», pour reprendre la formule de Francis Python, où elle tente modestement de se faire une place, qu'il faut situer la revue Cité Humaine, qui s'assigne en particulier un objectif d'information civique.
Issue d’un mouvement citoyen d’inspiration chrétienne (le mouvement Cité Humaine), la revue lancée en 1949 par Xavier Schorderet s'adresse à ceux qui, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, désirent s’engager dans la reconstruction de la société. Elle s’adresse aussi à ceux qu'inquiètent les problématiques politiques et socio-économiques nouvelles ; c’est en effet l’époque de l'ouverture de chantiers de portée tant européenne – Plan Schuman et naissance de la CECA - que de portée mondiale – Organisation des Nations-Unies. La revue propose une approche personnaliste des problèmes d’un monde moderne en gestation, et entend ainsi contribuer, avec ses lecteurs, à la réalisation d'une «cité harmonieuse». La paix et la prééminence de l'homme, tel était en effet l'idéal que poursuivaient les deux fondateurs du mouvement «Cité Humaine», Abel Triponez et René Corthésy.
La revue ambitionne d’aider les hommes de son temps à développer une approche critique des évènements, en vue de pouvoir s’engager de manière responsable dans société. Elle propose en conséquence des informations sur l’actualité et sollicite les réactions de ses lecteurs en vue d’instaurer un débat.


Christine Mo-Costabella & Roland Bruggisser

Création

Aux origines de la revue se trouve le mouvement du même nom, «Cité Humaine», créé à Lausanne en 1944. Les fondateurs du mouvement partent du constat que le monde s’effondre, et qu’il faut que les chrétiens s’engagent dans sa reconstruction sur la base de leurs valeurs, s’ils ne veulent pas laisser tout le champ libre aux communistes et aux «néo-capitalistes». Fort d’une centaine de membres, le mouvement se constitue en différents groupes structurés au niveau fédéral, et ambitionne une audience internationale. De fait, peu de groupes seront vraiment actifs. Celui de Berne jouera pour un temps le rôle de locomotive, animé par l’actif Xavier Schorderet, entré dans le mouvement en 1945. Le mouvement est francophone; même ses groupes bernois ou zurichois sont composés de Romands, habitant en terre alémanique en raison de leur travail.
Un des buts du mouvement est de mettre à la disposition de ses membres une documentation en matière de politique, d'économie et de société, pour leur permettre de remplir leur rôle de citoyens conscients et engagés. C’est dans cette optique que Xavier Schorderet lance la revue Cité Humaine en octobre 1949. Il entend par là d'une part renforcer les liens passablement distendus entre les différents groupes, et d’autre part secouer l’inertie des membres qui peinent à se mobiliser. Schorderet invite en effet les lecteurs à participer à la revue, en lui fournissant des «informations vivantes» (observations et critiques), afin que se réalise la «communauté d'action civique» dont le groupe de rédaction ne veut être que le «porte-parole». Cette communauté de lecteurs ne se formera jamais véritablement: loin de constituer un lien supplémentaire entre les différents membres du mouvement, la revue entérinera l'écart déjà existant entre les simples sympathisants et les chefs de file résolument engagés.


Christine Mo-Costabella & Roland Bruggisser

Equipe

Le comité de rédaction de la revue se compose officiellement de trois personnes, auxquelles il convient d'ajouter un administrateur, Ami Scholler, fidèle et rigoureux gestionnaire, qui recevra régulièrement chez lui les membres pour l'après-midi mensuelle de tirage du numéro à paraître. Ce comité est élu par l'assemblée générale de la branche suisse du mouvement Cité Humaine pour la durée d'un an.
Il faut mettre en évidence la figure essentielle du juriste et avocat fribourgeois Xavier Schorderet, travaillant alors à la Régie fédérale des alcools, à Berne. Il est l’initiateur de la revue et le mentor du trio de rédacteurs. Aucun texte ni article n'est publié sans avoir reçu son aval, et selon l’expression de Bernardin Allemann, «c'est avec une main de fer dans un gant de velours qu'il dicte sa méthode».
À ses côtés, plus jeunes d'une génération, Joseph Jobé et Roger Hayoz. Le premier, enseignant de littérature dans un gymnase lausannois, adhérant de la première heure en 1944, nourrit un grand intérêt pour l'activité de l'ONU, ce qui lui vaudra de représenter le mouvement à plusieurs reprises à la Conférence des organisations non gouvernementales internationales, à Genève. Le deuxième est encore étudiant en Sciences économiques lors de son adhésion au mouvement, avant de devenir secrétaire de direction à la Banque populaire; sa correspondance laisse transparaître son malaise face à sa «double vie» de banquier et de militant anticapitaliste. Il représente plusieurs fois Cité Humaine aux Semaines Sociales de France (mouvement catholique ayant pour but l'application de la doctrine sociale de l'Église) et cherchera, à la mort de Xavier Schorderet, à opérer un rapprochement avec le mouvement Économie et Humanisme, mais sans succès.
Proche de ces rédacteurs, Rodolphe Jambé, ordonné prêtre en 1925, apporte à Cité Humaine ses idées très inspirées d’Ordre Réel, mouvement qui en France préconise à la fois une propriété commune des instruments de production et une réorganisation des syndicats ouvriers. Jambé sera très actif à Fribourg en qualité de secrétaire général des œuvres chrétiennes-sociales.


Christine Mo-Costabella & Roland Bruggisser

Etapes

L'existence de la revue sera brève, de 1949 à 1954, pour un total de 27 parutions. Cette courte histoire ne lui permettra pas de connaître d’importants changements, si ce n’est celui de la mort de son rédacteur principal, Xavier Schorderet ; mais cette disparition, plus qu’un changement, marquera la fin même de l’existence effective de la publication.
Le comité de rédaction n’a lui aussi que très peu changé en 5 ans. Xavier Schorderet est accompagné, lorsqu’il fonde la revue en 1949, de Roger Hayoz et de Joseph Jobé. Ce dernier est remplacé en janvier 1951, pour une raison inconnue, par un certain L. Moccand, autre membre du mouvement Cité Humaine. On peut lire dans la correspondance du comité de rédaction que ce nouveau rédacteur déplaît à Schorderet, car il placerait la revue dans ses préoccupations mineures. Après la mort de Schorderet en mai 1952, Joseph Jobé reprend son poste pour les deux derniers numéros, paraissant respectivement en 1953 et 1954.
La première année (1949-1950) voit la revue sortir à peu près régulièrement, à un rythme mensuel. La deuxième année aussi, mais à son terme une lettre aux lecteurs explique que les objectifs de la revue (à savoir la participation de tous à son travail) ne sont pas atteints, et que la question de continuer ou non la publication s’est sérieusement posée. On sait du reste qu’à cette période, Schorderet, découragé, demande à ne plus être réélu au comité de rédaction. On ignore ce qui l’a finalement fait changer d’avis. La lettre aux lecteurs annonce que la revue paraîtra désormais de manière bimensuelle, et que les articles seront signés (ce qui n’était pas le cas jusqu’alors, le comité de rédaction dans son ensemble assumant la responsabilité des articles), en vue de permettre une collaboration plus large. De fait, seuls quatre numéros verront encore le jour entre 1952 (mort de Schorderet) et 1954. L’ultime tentative de Roger Hayoz et Joseph Jobé de reprendre le flambeau restera sans lendemain.


Christine Mo-Costabella & Roland Bruggisser

Aspects formels

La revue est d’apparence extrêmement simple. Les 12 premiers numéros, soit d’octobre 1949 à décembre 1950, ne sont constitués que de feuillets dactylographiés, tenant ensemble au moyen d’une unique agrafe. Le titre, en première page, est tracé à la main. La présentation est sensiblement améliorée en janvier 1951, avec l’apparition d’une couverture - une feuille cartonnée de format A3 pliée en deux et portant un titre en caractères d’imprimerie : Cité Humaine, revue mensuelle d’information civique. L’intérieur reste cependant inchangé. C’est l’apparence que la revue gardera jusqu’en 1954.
Par ailleurs, la revue n'a jamais trouvé une structure interne durable même si, à titre d'expérience, les premiers numéros proposent des rubriques très distinctes, rapidement abandonnées. Le numéro spécimen, d'octobre 1949, annonce l'intention des rédacteurs d'aborder idéalement quatre points spécifiques dans chaque publication. Ceux-ci s'engagent à rassembler, premièrement, des éléments de doctrine générale, deuxièmement, de la «documentation pratique» (données statistiques par exemple, rappels chronologiques ou textes de loi, etc.), des informations d'actualité et enfin une bibliographie.
On retrouve certes ces éléments au fil des publications, mais ni dans leur ensemble ni de manière organisée. La rédaction prévient d'ailleurs, dans ce même numéro spécimen, qu'il s'agit là d'une véritable gageure, son champ d'action et d'investigation étant particulièrement vaste : «Qu'il nous suffise d'être avec vous, écrivent-ils, les ouvriers apprenant leur métier d'artisan, d'artisan de la cité.»
En ouverture, on trouve soit un article de réflexion, soit un extrait d’une œuvre littéraire de la veine personnaliste (Emmanuel Mounier est par exemple souvent cité). Il s’agit de la partie doctrinale de la revue. Pour le reste, il s'agit essentiellement d'articles sur la politique ou l’économie en Suisse, ou d'organigrammes d'institutions internationales, ce qui constitue la partie la plus proprement informative de la revue. Ceux des articles qui ne sont pas produits par les rédacteurs sont empruntés à d'autres revues (principalement Esprit, Économie et Humanisme ou encore Témoignage chrétien) ainsi qu'aux grands quotidiens suisses (Gazette de Lausanne, La Liberté, Neue Zürcher Zeitung, Journal de Genève, etc.).
Le tout est agencé de manière peu systématique, et si le nombre de pages est relativement constant (huit pages ou douze, si deux numéros sont condensés en une seule publication), le nombre d'articles, lui, peut varier considérablement, en raison de leur longueur très irrégulière.


Christine Mo-Costabella & Roland Bruggisser

Positions

Cité Humaine est d’inspiration personnaliste et chrétienne (quoi que se définissant comme non confessionnelle). Elle met toutefois surtout l’accent sur l’engagement civique, et étant données les questions qui surgissent de la reprise économique, elle est contrainte de faire quelques concessions à son indépendance politique. Ainsi a-t-elle dû, selon les termes de sa rédaction, «choisir de soutenir certaines positions du parti socialiste, malgré les réserves partielles qu'elles nous inspirent».
De manière générale, la revue refuse toutes les formes de «standardisation de l'homme». Elle défend la personne contre l'individu, et la communauté contre la collectivité: il s'agit d'imaginer des entités intermédiaires entre l'homme et l'Etat, pour éviter tant l'écueil de l'individualisme libéral que celui de l'étatisme socialiste. A l'heure des polarisations de la guerre froide, Cité Humaine s’efforce de tenir la ligne d'une «troisième voie».
Les thèmes de Cité Humaine sont avant tout d'ordre économique et politique. On en trouve un tour d’horizon dans son numéro spécimen, où elle demande la collaboration des lecteurs pour l'étude des sujets suivants: l'ONU, l'OTAN, le fédéralisme européen, le Plan Marshall, l'URSS et la Yougoslavie, la Question Palestinienne, la constitution de l'Etat allemand, la communauté professionnelle. De fait pourtant, dans les numéros suivants, un fort accent sera mis sur des questions proprement suisses (réforme des finances fédérales, syndicalisme paysan, salaire et sécurité sociale, décentralisation du travail dans les entreprises, assurances-vieillesse et survivants).
Sur les grandes questions qui passionnent son époque, la revue adopte rarement une position tranchée, la volonté de Xavier Schorderet étant d'en faire un instrument de recherche collective dont il dit lui-même qu'il doit avoir un air d'inachevé, plutôt qu'une revue qui donnerait des réponses toutes faites à ses lecteurs.
Nous trouvons néanmoins quelques grands sujets d’actualité sur lesquels la revue prend position.
La revue aborde assez rarement les thèmes liés à la guerre froide, car mieux vaut pour Schorderet se préoccuper de ce qui fait le concret du contexte helvétique, peu concerné par le communisme, que s’adonner à des polémiques qui n’engagent à rien. Mais quand ils sont amenés à parler de politique internationale, les rédacteurs se montrent à la fois méfiants à l’égard de l’URSS et critiques face à la politique d’influence américaine (notamment face au Plan Marshall et aux propositions des Etats-Unis à l’ONU). Dans un long article de mars 1951 consacré à la neutralité suisse, la revue préconise également une politique de neutralité économique, face aux Etats-Unis notamment.
Sur la construction européenne, on s’attendrait à plus d’enthousiasme de la part d’un mouvement naturellement favorable au fédéralisme. On constate en fait une certaine retenue sur le sujet; les articles sur le processus d’intégration sont essentiellement descriptifs. En effet, Schorderet trouve que les informations que fournissent les médias sont encore trop peu nombreuses pour juger intelligemment. La seule prise de position consiste à dénoncer l’oubli des soubassements sociaux de l’Europe par le plan Schumann.
Le suffrage féminin est l’un des rares sujets sur lesquels la revue prend clairement position. Elle y est tout à fait favorable, quoi qu’elle n’aborde le thème qu’une seule fois, en vue des votations.
Un des thèmes favoris de Cité Humaine est celui de l’organisation du travail. La condition de l’ouvrier ne doit pas, pour elle, se réduire à une simple question salariale : la dignité du travailleur exige une réforme des structures économiques. Pour ne pas tomber dans un affrontement de classes, la revue propose la communauté professionnelle comme nouveau mode d’organisation du travail.


Christine Mo-Costabella & Roland Bruggisser

Financement

Le financement de la revue se fait par souscription d'abonnements annuels, à raison de 6 francs pour l'abonnement normal et de 10 francs pour l'abonnement de soutien. Ce prix modique est en rapport avec le caractère très élémentaire de la présentation (8 pages dactylographiées et agrafées dans une chemise cartonnée).
On ne connaît pas d'autres sources de revenus à la revue, hormis quelques dons occasionnels. Elle ne contient aucune publicité. Les rentrées sont donc faibles, mais les dépenses le sont aussi. Les rédacteurs étant bénévoles et le support de la revue des plus modestes, les finances s'équilibrent. D'autant que l'administrateur de la revue, Ami Scholler, surveille les comptes de près; Xavier Schorderet le qualifie à ce propos d' «aimable Cerbère, aussi dévoué que compétant». Le comité de rédaction peut ainsi enregistrer un bénéfice de 145 francs après quelques mois d'activité. En juillet 1951, Xavier Schorderet confirme dans une lettre à ses collaborateurs la bonne santé du budget et le renouvellement de la plupart des anciens abonnements.
Nombreux sont les numéros qui demandent aux lecteurs de ne pas tarder à régler leur abonnement, mais elle déclare aussi explicitement que la gêne matérielle dans laquelle pourraient se trouver certains d'entre eux ne saurait remettre en cause leur affiliation. Ce n'est donc pas en raison de problèmes financiers, mais bien à cause de l'échec de ses objectifs et du décès de son principal animateur, que la publication de la revue cesse en 1954.


Christine Mo-Costabella & Roland Bruggisser

Rayonnement

La revue se veut avant tout destinée aux membres et amis du mouvement Cité Humaine. Elle n'est en conséquence à aucun moment tentée par le recrutement de masse, auquel elle préfère le prosélytisme, s'adressant directement à ses abonnés afin qu'ils lui proposent de nouveaux lecteurs désireux de recevoir la revue «à l'essai».
Xavier Schorderet souhaite cependant que celle-ci devienne l’organe du mouvement et suggère dans ce sens, à l'abbé Garail, une publication commune aux branches suisse et française. On ne connaît pas la réponse du prêtre à cette proposition; on ne connaît pas davantage la géographie exacte des abonnements, le plus probable étant que la diffusion se soit limitée à la Suisse, et encore, dans une certaine confidentialité. Comme le souligne Bernardin Allemann, «la branche mondiale n'aura réellement existé que sur le papier».
On sait par contre que la revue est imprimée à 220 exemplaires en 1950, et qu'elle enregistre 120 abonnements. L'année suivante, les chiffres se maintiennent, et il n'existe pas de données sur l'évolution du nombre d'abonnements à la suite de la disparition de Xavier Schorderet, en 1952.
D'autre part, il n'y a pas de plumes invitées à Cité Humaine, qui, compte tenu de ses moyens, ne fonctionne que sur la reprise d'articles de revues de même obédience. La revue n’aura de même pas grande influence dans le débat politico-économique suisse, quand bien même elle tentera de faire entendre sa voix à l'occasion de scrutins et d'initiatives fédérales.


Christine Mo-Costabella & Roland Bruggisser

Textes programmatiques

«Ce périodique doit être avant tout un instrument de travail pour les membres et amis de Cité Humaine. Citoyens parmi les citoyens, œuvrant parmi eux, nous voulons recueillir avec eux la documentation et l'information dont chacun a besoin pour saisir les résonances humaines et les conditions communautaires des problèmes actuels de la cité. […] C’est dire aussi que nous comptons sur la participation de tous nos lecteurs ; il faut qu’en peu de temps la matière de ce périodique soit tout entière puisée dans leurs apports.»
(Bulletin liminaire, octobre 1949)

«Cité Humaine s’adresse à ceux qu’étreint l’angoisse de la situation de l’homme dans le monde moderne et les réunit dans le propos d’apporter leur contribution à une cité harmonieuse […]. La doctrine et l’information sont précisément le domaine de notre bulletin.»
(«Le mouvement Cité Humaine», N°1, Novembre 1949)

Rétrospectivement, puisqu'il s'agit du dernier numéro de la revue :
"Pour beaucoup d'entre nous, en effet, [le mouvement] Cité Humaine a été le moyen d'expression des espoirs nés de la deuxième guerre mondiale, espoirs fondés sur l'immense désir des hommes de reconstituer leurs cités dans la paix, la fraternité et la justice. […] Nous ne concluons pas plus à l’échec définitif de la forme d’engagement qui était la nôtre et qui se fondait sur l’opinion que la politique n’est pas l’affaire des politiciens et des gouvernements seulement.»
(«Où en sommes-nous ?», avril 1954, 3e année, n° 6)

Sur l’engagement politique :
«Jusqu’ici, nous avions rarement pris position au sujet d’un problème de politique internationale. […] Nous leur suggérons sans cesse [aux lecteurs] […] de préférer à des jugements politiques abrupts, à des qualifications qui n’engagent rien, l’effort de réflexion débouchant sur une adhésion consciente et responsable. […] Car le choix politique ne devient authentique que dans l’application de ce que l’on pense. […] Il est en effet beaucoup moins dangereux de condamner la politique russe ou américaine que de décider du oui ou du non à déposer dans l’urne lors d’une votation communale, cantonale ou fédérale.»
(«La Neutralité et la paix», n° 3, mars 1953)

Sur la neutralité suisse :
«Il serait donc faux de penser que le neutre entend, par sa politique, ne pas se mêler aux querelles des grands. Au contraire, il y participe en proportion des conceptions qui fondent sa neutralité. […] Auparavant, le problème de la neutralité ne se posait vraiment qu’en atmosphère de tension aigüe. Depuis 1918, nous avons cessé de nous en prévaloir. Que ce fût pour consentir à l’assouplir en adhérant à la Société des Nations ou, au contraire, pour revenir à une neutralité dite «intégrale», nous avons par là même acquiescé aux querelles des grands, à leur refus, cachés sous des déclarations idéalistes, de renoncer à leur souveraineté absolue. Nous avons ainsi, comme les autres Etats, tourné le dos délibérément au principe de solidarité de la SDN, nous avons préparé la ruine de ses institutions et nous en portons maintenant encore, avec eux, la responsabilité. […] Au sortir de la dernière guerre, la défense traditionnelle de son indépendance [de la Suisse] se confondait trop avec un retrait sur sa situation économique privilégiée […].»
(«La Neutralité et la paix», n° 3, mars 1953)


Christine Mo-Costabella & Roland Bruggisser

Avis contemporains

Sous-titre
Revue mensuelle d'information civique
Périodicité
Mensuelle
Dates de parution
October 1949 - April 1954
Pagination
8 pages (en général)
Format
A4
Année de fondation
1949
Lieu d'édition
Berne
Rédacteur responsable
Xavier Schorderet jusqu'à sa mort en 1952
Editeur
Publiée par la branche suisse du mouvement Cité Humaine
Imprimeur
?
Prix
Sur abonnement. 6 francs pour l'année (12 numéros) (10 francs prix de soutien)
Remarque
L'équipe de rédaction est très restreinte. Si le nom de Xavier Schorderet vient en premier dans la rubrique: "Rédaction", il n'est pas explicitement dit qu'il est le rédacteur en chef. Après sa mort en 1952, la rédaction comprend deux noms, Roger Hayoz et Joseph Jobé (ainsi que Lucien Moccand, plus tardivement), toujours sans mention du rédacteur en chef.
Roger HAYOZ (? - ?)

Roger Hayoz est encore étudiant en Sciences économiques quand il adhère au mouvement Cité Humaine en décembre 1945, et qu'il représente à plusieurs reprises aux Semaines Sociales de France (mouvement catholique pour l'application de la doctrine sociale de l'Eglise). Domicilié à Moutier, secrétaire de direction à la Banque populaire, sa correspondance laisse transparaître son malaise face à cette "double vie", de banquier et de militant anticapitaliste : il fera en effet partie, avec Xavier Schorderet et Joseph Jobé, de l'équipe de rédaction de la revue du même nom. Il cherchera, à la mort de Xavier Schorderet, à sauver Cité Humaine en opérant un rapprochement avec le mouvement Economie et Humanisme, mais sans succès.

Rodolphe JAMBÉ (? - ?)

Rodolphe Jambé, ordonné prêtre en 1925, est actif à Fribourg en qualité de secrétaire général des oeuvres chrétiennes-sociales. Il est un proche des rédacteurs de la Revue Cité Humaine à laquelle il apporte ses idées très inspirées du mouvement français Ordre Réel.

Joseph JOBÉ (? - ?)

Joseph Jobé est enseignant de littérature dans un gymnase lausannois. Membre de Cité Humaine dès la première heure du mouvement en 1944, il témoigne d'un grand intérêt pour l'activité de l'ONU et représentera le mouvement à plusieurs reprises à la Conférence des organisations non gouvernementales internationales à Genève. Avec Xavier Schorderet et Roger Hayoz, il fera partie de l'équipe de rédaction de la Revue Cité Humaine, exception faite d'une brève éclipse en 1951.

Ami SCHOLLER (? - ?)

Ami Scholler est l'administrateur et le trésorier, "aimable Cerbère, aussi dévoué que compétent", de la Revue Cité Humaine.

Xavier SCHORDERET (1905 - 1952)

Après des études de droit à l\'Université de Fribourg, Xavier Schorderet entre à la Régie fédérale des alcools dans les années 1930 et sera nommé, en 1946, à la tête de la section juridique. Après la guerre, il sera secrétaire des Cahiers suisses. Esprit et fondera la revue Cité humaine. Fortement influencé par le personnalisme d\'Emmanuel Mounier, Xavier Schorderet constitue l\'un des plus proches collaborateurs du créateur d\'Esprit en Suisse romande.

Rebecca Crettaz & Marie Quarroz

Références bibliographiques de la littérature secondaire

  • (Anonyme), « Esprit de Genève, idées d’Europe », Equinoxe, n° 17, 1997
  • ALLEMANN, Bernardin, « Cité Humaine : à la recherche d'un pacifisme social », Cercle d'Etudes historiques de la Société jurassienne d'émulation, Lettre d'information, n° 28, December 2002
  • ALLEMANN, Bernardin, Cité Humaine. Mouvement de recherches sociales, 1944-1954 , Fribourg : Mémoire de Licence présenté à la Faculté des Lettres de l'Université de Fribourg, 2002, 104 p.
  • AMSTUTZ, Pierre-Olivier, Les Amis d’Esprit en Suisse romande (1933-1950) : une réflexion sur les rapports entre la politique et la morale , Fribourg : Mémoire de licence présenté à la Faculté des Lettres de l'Université de Fribourg, 1987, 100 p.
  • PYTHON, Francis, « Néo-thomistes et personnalistes d’Esprit en Suisse romande: convergences et divergences durant l’entre-deux-guerres », in Regards croisés entre le Jura, la Suisse romande et le Québec, HAUSER, Claude et LAMONDE, Yvan (dir.), Laval : Presse de l’Université Laval, 2002, pp. 237-255