Revues Culturelles Suisses

Revue

Témoins*

Présentation sommaire

Contemporaine du temps que l’on nomme communément la coexistence pacifique, la revue Témoins (1953-1967) est l'œuvre de quelques publicistes indépendants qui sont marqués par le tourment, comme beaucoup en Europe, face à la montée en puissance des États totalitaires communistes et au raidissement idéologique des démocraties occidentales.
Ces auteurs, déçus des suites du Second conflit mondial, condamnent vivement toute forme d’autoritarisme, en deçà et au-delà de l’Elbe, et dénoncent l’érosion des valeurs participant à améliorer la condition humaine. Une fois admise l’impossibilité pratique d’une action révolutionnaire, la solution défensive minimale choisie est celle de maintenir une voix fidèle à l’humanisme libertaire.
Cette publication, comme beaucoup d’autres, mène une existence assez difficile. Après des disparitions successives, particulièrement celle de son principal animateur, Jean Paul Samson, mais aussi mise à mal par les profondes mutations sociales des années soixante, elle finit par s’éteindre définitivement.


Gilles Benoît & Nadine Rohrbasser

Création

Pendant la lutte contre les fascismes, particulièrement durant la fin des années trente, la Suisse est un refuge, certes souvent provisoire, pour des auteurs européens en butte aux autorités de leur pays. Refuge souvent provisoire, mais qui permet des rencontres et des amitiés qui perdurent à l’exil et qui constituent des réseaux agissants. De ces convergences, cristallisées par la coexistence pacifique, naît la revue Témoins. La Seconde Guerre mondiale terminée, quelques littérateurs engagés occupent l’espace d’alternative problématique et restreint que laissent Occidentaux et Soviétiques en confrontation. Alors que les questions doctrinales tiennent en permanence l’avant-plan, ils sont actifs parmi les gauches hétérodoxes, mais en rupture de ban avec les grandes organisations socialistes ou communistes. Chercheurs d’«eutopie», d’une société moins imparfaite, infatigables défenseurs de la pensée libre, ils combattent les doctrines dominantes. Évidemment intéressés à l’actualité internationale, ils ne dédaignent pas non plus la littérature, le cinéma ou les arts plastiques.
La revue est créée, entre Zurich et Paris, au printemps 1953, alors que Staline s’éteint. Francophone, éditée en Suisse, elle résulte principalement du vouloir de Samson, Parisien expatrié car réfractaire du Premier conflit mondial, qui sollicite quelques compagnons depuis son asile zurichois. Trois cercles plus ou moins entrelacés peuvent être distingués. Les poètes emmenés plus particulièrement par Samson, les militants farouches du pacifisme avec Robert Proix, et les défenseurs de l’idée libertaire rassemblés par André Prudhommeaux. L’adversaire associé au plus grand danger est le totalitarisme soviétique, mais plus généralement la cible est l’arbitraire. L’expression d’indépendance est tellement importante que le scrupule est poussé jusqu’à se démarquer des milieux anarchistes dont les réflexions sont pourtant très voisines.
Initialement, le ton choisit est plutôt pessimiste, voire funeste, la civilisation occidentale est décrite comme traversant une crise décisive. Dans l’immédiat aucune solution ne semble se présenter, les bonnes volontés seraient trop peu nombreuses. Sans alternative pratique, l’attitude proposée est d’attester par l’écrit la fidélité à une humanité en lutte contre l’oppression quelle que soit sa forme.


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Equipe

Témoins est lancée dès le printemps 1953 par le poète philosophe parisien Samson. Ce réfractaire de la Première guerre mondiale installé à Zurich s’entoure de Prudhommeaux et de Proix pour mettre sur pied cette publication trimestrielle. Issus des milieux socialistes, pacifistes et internationalistes, ils s’unissent intellectuellement pour militer en faveur du maintien d’une expression libre pour une humanité attachée à l’amélioration de sa condition. Depuis son refuge des rives de la Limatt, Samson s’impose comme le rédacteur en chef et conserve cette position jusqu’en 1964, malgré son isolement géographique. À sa mort, il est remplacé par celui qui est un de ses actifs collaborateurs dès 1961, Michel Boujut.
Samson fait parfois le déplacement à Paris pour rencontrer ses amis et coauteurs – Prudhommeaux, Proix, Albert Camus, Pierre Monatte, Jean-Jacques Morvan, Claude Le Maguet, Jean-Daniel Martinet et le Suisse Gilbert Trolliet – en petit comité pour préparer, par exemple, les numéros spéciaux. Il s’agit peut-être du comité de rédaction même si pour protéger son autonomie, Samson n’hésite pas à remanier certains articles selon sa convenance. Les problèmes liés à la revue tels que le financement, la périodicité, la publication des articles sont abordés dans la correspondance échangée par les protagonistes de Témoins. Tous ne participent pas avec la même régularité mais ils restent fidèles à la revue jusqu’à son terme. Samson ne souhaite pas diriger un grand périodique international, il se satisfait de pouvoir agir librement et d’être soutenu par une équipe numériquement modeste composée principalement d’amis.


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Etapes

Jusqu’au printemps 1958, Témoins ne connaît pas de difficulté majeure, malgré les dissensions entre Samson et Prudhommeaux en automne 1956 au sujet de la dimension du numéro spécial dédié aux poètes hongrois. Les trois rubriques – «Articles», «Témoins intemporels», «Carnet» – apparaissent parfois avec quelques modifications mais ces dernières n’indiquent pas un changement d’orientation. Non dogmatique bien que critique envers les sympathisants du communisme stalinien, la revue paraît adopter une position médiane dans le contexte de Guerre froide. Samson et ses collaborateurs prônent la quête de liberté comme but ultime de l’Homme et celle-ci semble n’être accessible ni dans la société capitaliste proposée par les Américains, ni dans le communisme invoqué par Staline. Les premiers numéros spéciaux célèbrent, dans un souci de solidarité, la Hongrie et l’Espagne révolutionnaires des compagnons libertaires trop souvent disparus au combat. La périodicité trimestrielle est respectée, sauf en hiver 1954/1955.
Le sous-titre (Cahiers de libre examen) du numéro 20 paru au printemps 1958 est révélateur d’une hésitation, confirmée par le numéro suivant – le sous-titre devient «Cahiers indépendants» – qui inaugure une périodicité plus aléatoire, due à un manque de lectorat, à des problèmes financiers et à l’immobilisme du monde engendrant des redites rédactionnelles. Les numéros spéciaux s’enchaînent pour supplanter provisoirement les tirages réguliers.
L’année 1960 marque un tournant dans l’histoire de la revue car trois personnes chères à Samson décèdent : Camus, Monatte et sa compagne Gritta Samson-Baerlocher. Les trois numéros de cette année-là leur sont consacrés, Camus étant remémoré jusqu’en été 1963. Malgré ces disparitions, la périodicité trimestrielle ainsi que les trois rubriques initiales sont récupérées. Les dernières années de vie de Samson, Témoins dénoncent le racisme et les procédés de la justice militaire française, et applaudit l’attitude des objecteurs de conscience.
Dès l’automne 1963, le périodique se transforme implicitement en maison d’éditions, publiant les récits d’enfance de Samson et deux numéros posthumes en hommage à l’homme libre qu’il était.


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Aspects formels

Il faut différencier les numéros réguliers des tirages spéciaux, importants à Témoins puisqu’ils représentent plus du tiers des publications. Les numéros réguliers ont une pagination oscillant entre 40 et 80 pages. Ils affichent généralement un rubricage semblable: quatre à cinq textes – articles, poèmes, lettres – abordant des thèmes variés inaugurent le numéro; le travail d’un, parfois plusieurs, littéraire est mis à l’honneur dans «Témoins intemporels» ; la dernière rubrique, «Carnet», compose une fenêtre sur l’actualité politique, littéraire, poétique, culturelle, journalistique et nécrologique par le biais de textes de nature différente tels des comptes-rendus, des correspondances, des poèmes, des notices sur des spectacles, des courtes biographies. De la même manière que les écrits étoffant la première partie, ce «Carnet» est un lieu de débats signé par les principaux collaborateurs de la revue révélant ainsi leurs centres d’intérêt et les positions qu’ils adoptent face au monde qui les entoure. Les sections intitulées «Périodiques» et «In memoriam» – ou «Nécrologie» – laissent entrevoir les réseaux libertaires, anarchisants et pacifistes associés à «Témoins».
Les quatorze numéros spéciaux comptent entre 8 et 194 pages, la moyenne étant d’une quarantaine de pages. Huit sont des hommages – à Le Maguet et Fritz Brupbacher, Victor Serge, Camus, Monatte, Samson – la plupart faisant suite à leur décès. Les six autres tirages irréguliers permettent aux rédacteurs d’une part d’affirmer leur solidarité avec les résistants espagnols, hongrois et est-allemands, de condamner le racisme et la justice militaire française, et servent d’autre part à Samson pour publier deux de ses recueils de poèmes.


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Positions

L’attitude très générale est la dénonciation des systèmes coercitifs et la lutte pour l’affirmation des libertés qui permettent une existence digne, et ce dans un esprit de totale indépendance, hors ralliement à une idéologie quelle qu’elle soit. Si cette prise de position n’est pas d’une originalité extrême, elle entraîne l’isolement par son intransigeance déclarée, les seuls appuis possibles se trouvant au sein des voix syndicalistes révolutionnaires, pacifistes, ou libertaires. Dans ce contexte, les périodiques auxquels le lecteur est renvoyé sont, entre autres, La Révolution prolétarienne créé par Pierre Monatte, Défense de l’Homme de Louis Lecoin, ou Les Cahiers du Socialisme libertaire dirigé par Gaston Leval.
Certainement sous l’influence d’Ignazio Silone, l’exception à cette fermeté est la proximité acceptée avec Le Congrès pour la liberté de la culture. Ce rapprochement peut être illustré par les échanges entre Témoins et les publications procédant de cet organisme, comme Preuves surtout, ou Tempo Presente dirigé par Silone, pour ne citer que les exemples les plus représentatifs. Le Congrès ouvertement anticommuniste réunit des intellectuels européens, à l’instar de Raymond Aron ou, pour ne mentionner que deux noms parmi ceux qui reviennent souvent dans Témoins, Arthur Koestler et Manès Sperber.
Nous sommes ainsi fort éloignés des deux grandes revues rivales qui dominent alors la pensée française de gauche, Esprit fondée par Emmanuel Mounier et Les Temps Modernes de Jean-Paul Sartre. Toutes deux, la seconde encore plus largement, se sont distanciées de Camus après la publication de son essai L’Homme révolté, très critique envers les doctrines totalisantes comme le christianisme ou le marxisme. Mais Camus est appuyé par Témoins, il n’est donc pas complètement surprenant de l’y retrouver comme correspondant. Cette confluence s’illustre en maintes occasions, nous en retiendrons trois pour leur représentativité, plus une pour son originalité. Tout d’abord, le combat est porté contre l’Espagne franquiste et sa légitimation par son entrée à l’ONU ou ses institutions spécialisées comme l’Unesco. Ensuite, en été 1953, la solidarité s’exprime en faveur des ouvriers de Berlin-Est sur lesquels tire leur propre police populaire parce qu’ils demandent un travail aux conditions mieux aménagées. Enfin, est signifié le soutien aux insurgés hongrois qui s’opposent armes en mains aux chars soviétiques garants du conformisme communiste. Cependant, là où Samson démontre le mieux sa fidélité à Camus c’est dans la question algérienne lorsque, soutenant la «Trêve pour les civils», il n’hésite pas à le suivre sur l’improbable chemin d’une troisième voie entre l’indépendance pour laquelle s’active le FLN et le statu quo voulu par la grosse majorité des colons.
Les traces de pacifisme sont nombreuses, par Samson et M. Boujut près d’un demi-siècle réfractaire passe, Proix participe à tous ces combats, parfois sans discernement quand il promeut Paul Rassinier contre tous. Néanmoins, le toujours dévoué dépositaire n’est jamais abandonné et derrière lui se devine en filigrane la silhouette de Lecoin, inflexible promoteur du statut français d’objecteur de conscience, discrètement épaulé par Camus, avant qu’il ne disparaisse tragiquement.


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Financement

Rayonnement

Revue confidentielle dont le tirage oscille entre 200 et 1'000 exemplaires, Témoins aurait pu être totalement oublié, et ne demeurer plus que dans la mémoire de quelques initiés spécialistes des périodiques suisses, ou se voir occasionnellement évoquée par une poignée d’universitaires au centre d’intérêt fort pointu. Ce n’est pas tout à fait le cas, grâce notamment à Camus. Ses contributions à la revue sont mentionnées en tant que telles dans ses œuvres publiées par La Pléiade, et parfois des travaux critiques associés à sa personne citent Témoins. Ensuite, vient le développement de la médiatisation via Internet. Imaginé comme un espace libertaire, il convient parfaitement à l’anarchisme politique, qui saisit l’occasion de mettre en ligne quantité d’écrits.
Si Samson et ses cahiers ne sont pas véritablement identifiés à cette sensibilité, la signature de Prudhommeaux est reconnue, la revue est recopiée, plusieurs adresses se la partagent. Elle devient parfaitement accessible, au moins pour les francophones. Quant aux insoumis anglo-saxons, ils sont mis sur la piste de Témoins souvent grâce à Camus, dont The Rebel, la traduction anglaise de L’homme révolté, a attiré leur attention.


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Textes programmatiques

«Avertissement
Pourquoi Témoins – le mot et la chose ? Disons-le dès l’abord: tant par modestie que par manque de suffisante affinité, l’on ne prétend point, ici, prendre ce mot de témoins dans le sens, infiniment respectable mais gros de certitude infuse, que lui confèrent les heureux possesseurs d’un credo admis une fois pour toutes. Témoigner pour – pour sa vérité par exemple – suppose, implique la présence déjà donnée de ce pour quoi l’on témoigne. Ainsi a-t-on pu, ailleurs, parler de témoignage chrétien. Mais à défaut de cette grâce, de cette évidence, du moins peut-on témoigner de; de ce que l’on voit ou pense: faits, idées, valeurs. C’est en ce sens volontairement restreint que les présents cahiers s’efforceront d’être, à leur humble façon, des témoignages de ce temps-ci et du reste de pensée libre qu’il daigne tolérer encore. En quelque domaine que ce soit – vie de l’esprit, créations d’art, problèmes de la cité – notre monde moderne (et qui se vante de l’être !) de plus en plus est asservi, non seulement aux velléités totalitaires des uns et au totalitarisme des autres, mais encore, même chez beaucoup d’entre ceux-là qui voudraient réagir, aux formules toutes faites des dogmes ou systèmes, à tout ce qui, par idolâtrie soit de la tradition soit de l’histoire soit de la raison désincarnée, relève de la déduction et de l’abstrait. Règne de l’ersatz; règne du pseudo. Sur toute la ligne. Car si le choix, assurément, s’impose entre les libertés encore possibles du monde dit libre (d’intention) et l’autre, la réalité, ici et là-bas chaque jour moins humaine, se mystifie et, dès avant la lettre, s’atomise. Qui sait, parmi la foule de tant de décervelés et d’idéologues, si une poignée de témoins n’est pas aujourd’hui, quelque précaire que puissent en être les faibles modalités à nous permises, l’un des seuls moyens de restaurer tant soit peu la réalité de l’homme ? Ou bien est-ce déjà demander trop ? Moyen en tout cas, moins ambitieusement, encore que sans résignation aucune, bien au contraire, de mesurer la marche du cataclysme qui nous tient lieu de civilisation. Comme en cas d’inondation tels repères – cailloux anonymes, bois de fortune ou marques tracées à la hâte sur le sable ou la pierre – permettent, sinon d’entraver, tout au moins de connaître les progrès du fléau. Repères que justement l’usage veut qu’on appelle aussi témoins. »
Témoins, n° 1, printemps 1953, pp. 1-2.

«Témoins intemporels
Sous cette rubrique, «Témoins» donnera, autant que possible dans chaque numéro, des pages d’écrivains du passé choisies pour leur rapport avec les temps actuels, soit que de telles pages puissent aider à prendre plus profondément conscience du présent, soit que par la vertu propre aux heureux âges (révolus) qui ne connurent ni nos démagogies ni nos propagandes, elle nous remettent sous les yeux ce dont nous sommes peut-être le plus déshabitués: le courage d’appeler les choses par leur nom.»
Témoins, n° 1, printemps 1953, p. 35.

«Notre périodicité
«Témoins» inaugure avec ce numéro sa sixième année d’existence. Avons-nous jusqu’ici fait du bon travail ? Souvent, osons-nous croire. Utile ? Cela, c’est une autre affaire, et qui ne dépend pas seulement de nous. Ce que nous pouvons toutefois noter, c’est qu’après l’assez vif intérêt qu’à notre heureuse surprise l’on nous avait témoigné au début et les réconfortants encouragements qui ne laissèrent pas de nous être apportés, l’attention des lecteurs semble s’être relâchée quelque peu. C’est sans doute en grande partie notre faute. Celle aussi du fait trop évident que le cauchemar dans lequel vit (?) le monde, est stagnant, fait du sur place, de sorte que l’on en vient soi-même à être obligé, par honneur, de se répéter. Cassandre n’a jamais eu bonne presse. En tout cas, nous avons ici l’impression d’être entrés dans cette phase ingrate, connue de toute entreprise de ce genre, où il s’agirait de tenir, de vaincre à l’endurance. Et nous n’en bouderions pas l’effort. Seulement, il y a un autre point, douloureux: le budget. En attendant de trouver – peut-être – une solution à ce problème malheureusement inévitable, nous avons décidé (mieux vaut un pis-aller que rien du tout) de renoncer, au moins provisoirement, à notre périodicité en principe trimestrielle. A partir du prochain numéro, le 21, «Témoins» – ce qui ne change rien aux conditions d’abonnement aux quatre cahiers – paraîtra donc chaque fois que les circonstances le permettront. Souhaitons que ce ne soit pas trop rarement; souhaitons aussi que ce mal relatif ait du moins pour conséquence de nous permettre de faire œuvre plus attentive et donc, si possible, efficace en profondeur.»
Témoins, n° 20, printemps 1958, p. 48.


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Avis contemporains

Témoins n’est pas une grande revue, son tirage est tout à fait limité. Elle est distribuée essentiellement dans un réseau relationnel proche constitué d’individus aux opinions déjà passablement similaires. Pourtant, comme les rédacteurs principaux sont des hommes entre deux âges, ils ont eu le temps d’organiser leurs amitiés personnelles et professionnelles. Certains exercent une activité journalistique ou en relation avec le journalisme, beaucoup ont partagé en Suisse une période d’exil avec des personnalités littéraires parfois influentes. C’est pourquoi il n’est pas complètement extraordinaire de voir cette publication faiblement diffusée mentionnée dans la presse écrite. Cependant, dans la plupart des cas, ce n’est qu’un peu de publicité gratuite cordialement accordée, ou un hommage à un disparu estimé. Ainsi, Jean Bloch-Michel, ancien collaborateur à Combat alors que son ami Camus est rédacteur en chef, glisse quelques lignes dans la Gazette de Lausanne. Il est imité par Bernard von Brentano, réfugié à Zurich pendant la période nazie, à la Frankfurter Allgemeine Zeitung. Quant à François Bondy, qui dirige Preuves, il envoie un texte pour la Neue Zürcher Zeitung. Et ici seules les interventions les plus aisément remarquables ont été relevées. Évidemment, dans un but d’autopromotion, parfois ces articles sont cités par Témoins.


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Sous-titre
Cahiers trimestriels (No 1 printemps 1953 - No 19 automne-hiver 1957/1958)
Périodicité
trimestrielle pendant une année puis irrégulière. 37 numéros parus
Dates de parution
1953-1967
Pagination
Numéros réguliers : environ 50 p. ; numéros doubles : environ 80 p.; numéros spéciaux : de 10 à 190 p., les plus volumineux étant ceux consacrés à Samson
Format
14 cm x 21 cm
Année de fondation
1953
Lieu d'édition
Zurich
Rédacteur responsable
Editeur
Jean-Paul Samson
Imprimeur
Ganguin et Laubscher S.A. Montreux
Prix
Jusqu’en septembre 1960 : 2 CHF ou 200 FF le numéro, 6 CHF ou 400 FF les quatre numéros ; puis 3 CHF ou 3 NFF le numéro, 6 CHF ou 4 NFF les deux numéros. Le prix des numéros doubles est majoré.
Remarque
Michel BOUJUT (1940 - ?)

Né en Charante en 1940, M. Boujut et le fils de Pierre Boujut, poète pacifiste libertaire à la tête de La Tour de feu, dont Samson est l’ami. Déserteur de la guerre d’Algérie, il justifie son geste en se disant homme, simplement (ni pacifiste, ni non-violent, ni héros). Il trouve refuge chez les Samson à Zurich. Père et fils collaborent à Témoins mais c’est le fils – journaliste, producteur, critique de cinéma et écrivain – qui reprend les rênes de la revue à la mort de Samson. A ce titre, il coordonne l’avant-dernier numéro en hommage à Samson.

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Albert CAMUS (1913 - 1960)

Né en Algérie en 1913 dans une famille ouvrière, Camus étudie la philosophie à Alger et milite dans les rangs du Parti communiste, il en est exclu suite à sa série d’articles sur la misère en Kabylie. Tuberculeux – interdit d’enseigner – il se lance dans le journalisme à Alger Républicain avant de publier ses premiers romans dans les années quarante. En traitement à Paris, Camus – dramaturge, romancier, essayiste et journaliste – condamne ouvertement le communisme stalinien ce qui lui vaut des critiques acerbes des communistes. Prix Nobel de littérature en 1957, il collabore à Témoins dès les débuts de la revue par des textes inédits ou repris (articles, préfaces aux numéros spéciaux, lettres, lectures). Suite à sa mort tragique en 1960, deux numéros lui sont entièrement consacrés pour rappeler l’ami et le collaborateur généreux qu’il était.

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Robert PROIX (1895 - 1978)

Né dans la Somme en 1895, Proix grandit au Familistère Godin à Guise où il rencontre Prudhommeaux. Influencé par des collègues socialistes puis anarchistes, il répond à l’effort de mobilisation en 1915. Représentant de commerce pendant vingt-cinq ans, il devient correcteur d’imprimerie après 1947. Ardent défenseur du pacifisme, il prend part au Comité national de résistance à la guerre et à l’oppression. Durant sa vie, il collabore avec Les Humbles, La Voie de la paix, Terre libre, L’Espagne nouvelle, Défense de l’Homme, Liberté et au Bulletin de l’Union pacifiste de France. Présenté à Samson par son ami Prudhommeaux dans les années quarante, il est le dépositaire parisien et le gérant de Témoins. Proix partage avec la revue de nombreux comptes-rendus de lectures et contribue aux hommages à Camus et Samson. Il meurt en 1978.

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André PRUDHOMMEAUX (1902 - 1968)

Né dans l’Aisne en 1902, Prudhommeaux est historiographe du mouvement social, poète, écrivain et traducteur. Militant communiste avant de devenir un libertaire engagé, il collabore à différentes revues surtout communistes puis anarchistes, notamment Ouvrier communiste, Revue anarchiste, Terre libre, L’Espagne nouvelle, Libertaire, Défense de l’Homme, ou encore à Preuves, et au niveau international à Freedom (GB), Volontà (I), entre autres. Il s’investit également dans des groupuscules révolutionnaires. En 1939, il s’exile en Suisse où il prend contact avec d’autres réfugiés politiques tel que Samson avec qui il échange une abondante correspondance. A Témoins, de son vrai nom ou avec ses pseudonymes (André Prunier ou Jean Cello), il signe dès le premier numéro plusieurs articles, lectures, poèmes, correspondances. Il participe à de nombreux numéros spéciaux, d’actualité ou d’hommages aux compagnons disparus. Il meurt de Parkinson en 1968.

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Jean Paul SAMSON (1894 - 1964)

Parisien né en 1894, Samson fréquente le Collège Chaptal avec André Breton. Jeune adulte, il partage son temps entre des études de droit et philosophie, l’écriture de poèmes et les Jeunesses socialistes de Paris où il découvre le pacifisme et l’internationalisme. D’abord déclaré inapte physiquement puis mobilisé à l’arrière pour la fin de l’été 1917, Samson, jauressiste réfractaire du Premier conflit mondial, fuit la France pour Villeneuve en Suisse. Dès 1918, il collabore avec Les Humbles, s’installe à Zurich et traduit des œuvres d’auteurs européens dont celles de Silone pour le compte de l’éditeur Max Rascher. Il est introduit dans le milieu culturel d’avant-garde par le Dr Brupbacher. Nettement antifasciste, il craint l’apparition d’un nouveau nationalisme revanchard suite à la Deuxième guerre mondiale. Dans les années quarante, il partage son intention de créer une revue d’actualité avec ses futurs collaborateurs (Prudhommeaux et Proix). De 1953 à sa mort en 1964, il dirige et rédige pour cette revue, Témoins, sans jamais faillir à son idéal de liberté.

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Ignazio SILONE (1900 - 1978)

Né dans les Abruzzes en 1900, Silone devient membre du Parti communiste italien en 1921, il en est exclu en 1930 car il s’oppose ouvertement à Staline. Exilé en Suisse, il publie ses premiers romans. Elu député socialiste en Italie à la Libération, il adhère au Congrès pour la liberté de la culture qui finance sa revue Tempo Presente. A Témoins, il participe aux numéros spéciaux par des articles inédits et autorise la reproduction de ses textes traduits par son ami Samson. Hostile à toute forme de totalitarisme, il poursuit un idéal de cohabitation humaine régie par la liberté et l’amour fraternel. Il meurt à Genève en 1978.

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Références bibliographiques de la littérature secondaire

  • COURTEN, Régis de , Revues littéraires romandes : notices sur 59 revues, listes des auteurs des textes publiés, prolégomènes à une table générale cumulée des revues littéraires du XXe siècle , Berne : Bibliothèque nationale suisse, 1990, 202 p.
  • MUGNY, Fabian, Jean Paul Samson (1894-1964) , Fribourg : Mémoire de licence, 2005, 143 p.
  • POCHON, Charles-François, « Jean Paul Samson et la revue Témoins. Portrait d’un réfractaire », Page Deux, n° 10, March 1997, pp. 61-62