Revues Culturelles Suisses

Revue

Entscheidung*

Présentation sommaire

La revue bi-mensuelle «Entscheidung, Eidgenössisches Werkblatt» (1936-1939) est lancée à Lucerne dans un moment où la société suisse peine à se remettre des retombées de la crise économique et d’une grave crise politique interne. Le contexte international, favorable aux dictatures, pèse lui aussi de tout son poids. «Entscheidung» peut être considéré comme l’une des manifestations de redressement démocratique qui se fait alors sentir et dont, en 1937, le «Mouvement des Lignes directrices» tentera de fédérer les efforts. ?La revue est lancée par de jeunes catholiques, organisés en un «Groupe de travail», d’abord à Lucerne puis à Bâle et à Zurich, que désespèrent autant les milieux catholiques traditionnels conservateurs que le mouvement chrétien-social dont l’idéal "rénovateur" se résume en quelques mots: corporatisme, autoritarisme, antiparlementarisme, xénophobie et antisémitisme. «Entscheidung» se positionne comme une revue catholique qui se proclame apolitique – mais que ses adversaires cataloguent très rapidement "de gauche" – qui cherche à désolidariser le catholicisme des mouvements anti-démocratiques.


En août 1939, la mobilisation de ses rédacteurs signifie la fin de la revue. Elle a pourtant un successeur dix ans plus tard, avec la revue «Extempore» lancée en 1949.


Edith Hiltbrunner & Floriane Gasser

Création

Entre 1933 et 1936, la société suisse connaît une forte tentation totalitaire, qui se marque notamment par le «printemps des fronts», soit l’éclosion ou le renforcement de plusieurs mouvements et associations qui réclament une rénovation nationale dans un sens autoritaire. Bien que déjà situé à droite de l’échiquier politique, le catholicisme politique n’échappe pas à cette tentation, forte surtout dans ses organisations de jeunes. Ces dernières sont intéressées par l’expérience mussolinienne et des tendances philofascistes s’y développent. L’encyclique papale «Quadregesimo Anno» (1931) a encouragé certaines d’entre elles à développer des idées corporatistes inscrites dans un modèle de société antilibérale. Les Jeunes conservateurs, influencés par les idées autoritaires, vont, au début des années 1930, jusqu'à coopérer avec les frontistes, les soutenant dans la tentative d’introduire un Etat autoritaire par le biais d’une révision de la Constitution fédérale qui échoue devant le peuple en 1935.


Désireux de détourner ces milieux catholiques des dérives totalitaires, soucieux aussi de l’ignorance des Suisses quant à l’évolution de la situation politique en Allemagne, quelques jeunes gens, amis d'enfance qui se sont connus sur les bancs de la Klosterschule de Stans, Arnold Stöckli, Hans Ulrich Segesser von Brunegg, Bernhard Mayr von Baldegg et Xaver Schnieper fondent à Lucerne, au printemps 1936, avec Angelo Baccini et James Schwarzenbach, le «Groupe de travail des jeunes catholiques suisses». Après le décès prématuré de Baccini en été 1936, son amie Lina Hitz est intégrée à l’équipe à sa place. Ce groupe est soutenu par deux exilés allemands, le théologien Otto Karrer et son ami Rudolf Roessler, éditeur à Lucerne.


Le 1er octobre 1936, «Entscheidung» est lancée en tant qu’organe de presse du «Groupe». La revue bimensuelle porte le même titre que le journal – entre-temps disparu – de James Schwarzenbach. Afin de l’en distinguer clairement, les rédacteurs ajoutent le sous-titre «Eidgenössisches Werkblatt».


Edith Hiltbrunner & Floriane Gasser

Equipe

A. Stöckli et H. Segesser, fondateurs et principaux rédacteurs du journal, sont les piliers autour desquels gravitent de nombreux collaborateurs, fixes ou occasionnels. Egalement fondateurs et membres permanents du comité de rédaction, B. Mayr et X. Schnieper participent cependant moins à la rédaction même.


James Schwarzenbach, visiblement égaré, démissionne dès le deuxième numéro du journal suite à des divergences d’opinion insurmontables (il accuse le journal de faire le lit des «Rouges sous couvert du Christianisme») et cède ainsi à la menace paternelle de n’être plus soutenu financièrement en cas de contribution continue au journal. En juin 1937, l’institutrice Lina Hitz, qui n’a publié qu’un seul article, quitte également le groupe pour raisons professionnelles.


Ainsi, le comité de rédaction est composé des quatre amis d’enfance Stöckli, Segesser, Mayr et Schnieper, qui se sont connus sur les bancs de la «Klosterschule» de Stans. Lors de séjours en Allemagne et en Autriche durant leurs études universitaires où ils se trouvent confrontés aux changements politiques et à leurs conséquences concrètes, ils ont tissé un réseau d’amis et de connaissances qu’ils sollicitent pour la rédaction de leur organe de presse. Parmi les contributeurs occasionnels les plus actifs, il faut citer l’homme de théâtre et co-fondateur de la maison d’édition «Vita Nova» Rudolf Roessler – qui signe sous un pseudonyme – et son ami le théologien et prédicateur Otter Karrer. Les deux hommes sont considérés comme les "pères spirituels" de «Entscheidung» et renforcent l’engagement anti-nazi du comité de rédaction. Le professeur de pédagogie Friedrich Foerster écrit régulièrement dans les colones de la «Werkblatt». Son article sur «L’Europe et la question allemande» fera notamment débat. Les signatures du philosophe russe exilé à Paris Nikolaï Berdiaeff, des théologiens Romano Guardini et Georg Huber, ainsi que de l’intellectuel d’origine russe exilé en France Vladimir Weidlé apparaissent de manière épisodique dans le journal. Suite à son rapprochement avec le mouvement «Esprit», le journal lucernois publie des extraits de la version allemande du «Manifeste au service du Personnalisme» d’Emmanuel Mounier.


La diversité de nationalités des auteurs occasionnels de «Entscheidung» souligne l’ancrage européen et intellectuel du journal avec notamment : Nikolaj Arseniew, philosphe russe, Bryyan Adams, parlementaire anglais, José Bergamin, écrivain espagnol, D. Körut de Hongrie ou Vitus Franz, correspondant en Tchécoslovaquie.


Edith Hiltbrunner & Floriane Gasser

Etapes

Mis à part le départ remarqué de James Schwarzenbach dès les débuts de l’aventure et le retrait de Lina Hitz, le comité de rédaction de «Entscheidung» ne subit aucun changement durant les 3 années de son existence.


Lancé comme un journal catholique apolitique à la recherche d’une "troisième voie", «Entscheidung» se positionne en premier lieu contre toute forme de mouvement anti-démocratique, communistes ou fascistes. Cependant, dès ses débuts, il est perçu par son lectorat et surtout par les défenseurs d’une ligne catholique conservatrice comme à gauche de l’échiquier politique.


L’adhésion au «Mouvement des lignes directrices» en février 1937 confirme rapidement ce positionnement. Ce «Mouvement», créé le 3 février 1937 par diverses associations (USS, Fédération des sociétés suisses des employés, Association suisse des salariés évangéliques, Jeunes Paysans) dans le but d’une "reconstruction économique et de la sécurité démocratique", tente de dépasser les traditionnels clivages politiques gauche-droite. Cependant, dans le climat d’exacerbation politique vers les extrêmes des années 1930, cette position du milieu est difficile à tenir et le mouvement est rapidement étiqueté à gauche. Les dissensions internes finissent pas avoir raison des ambitions du mouvement et celui-ci est dissout en 1940. L’adhésion de «Entscheidung» au «Mouvement des lignes directrices» est fortement critiqué par les organes de presse conservateurs, qui l’interprète comme un glissement à gauche menaçant l’unité des catholiques, alors que le comité de rédaction y voit l’occasion de renforcer la solidarité économique et de préserver la démocratie.


Au printemps 1938 est créé le «Groupe de travail “Entscheidung Zürich“» ainsi qu’une section à Bâle. Dès 1939, «Entscheidung» souffre de problèmes financiers, et malgré un appel aux dons lancé en juillet, le journal est obligé de réduire sa parution à un rythme mensuel. Dans un but de limitations des coûts, l’écriture gothique est remplacée par l’antiqua, plus moderne et économique.


L’éclatement de la guerre et la mobilisation générale obligent les rédacteurs à renoncer entièrement à leur organe de presse et la dernière édition de «Entscheidung» paraît le 15 août 1939. Les groupes de Bâle et de Zurich survivront quelques mois à la disparition de la revue.


Edith Hiltbrunner & Floriane Gasser

Aspects formels

De facture modeste, chaque numéro de «Entscheidung» compte 4 à 6 pages. La pagination est continue sur toute l’année en court. Bimensuel jusqu’au 15 mai 1939, le journal paraît ensuite mensuellement.


En plus de l’éditorial, chaque édition est constituée de quatre rubriques: Cachés sous le pseudonyme «Waldstätter», la rédaction en profite pour prendre position sur des sujets d’actualité brûlants tels que la politique des réfugiés ou l’agitation politique des nationaux-socialistes en Suisse. La rubrique «Politischer Wetterbericht» est dédiée à de courts comptes-rendus de la situation politique internationale, mais est remplacée dès le 3ème numéro par «Sreiflichter», billet d’humeur au ton ironique, critiquant régulièrement la discrépance dommageable entre pragmatisme politique et rigueur morale. Sous «Frage und Antwort», les rédacteurs utilisent comme détonateur des lettres de lecteurs et en profitent pour donner ainsi, sur les sujets abordés, leur réponse et leur analyse politique, sociale ou économique. Afin d’assurer le contenu de cette rubrique pensée comme le cœur du journal, les rédacteurs créent parfois eux-mêmes des lettres fictives afin de lancer un débat sur un sujet qui les intéressent. Les deux dernières rubriques sont dédiées à la littérature : dans «Literatur», Xavier Schnieper, le responsable de ce cahier, publie généralement des extraits de livres à paraître. Dans «Buch und Welt», il rédige des critiques de livres édités le plus souvent par la maison d’édition de son ami Rudolf Roessler, «Vita Nova». Sur la dernière page figurent diverses annonces et publicités.


Comme source d’informations principale, il faut citer l’hebdomadaire «Deutsche Briefe» édité par Waldemar Gurian et Otto Michael Knab, deux "protégés" de Otto Karrer. D’autres informations sont puisées dans le mouvement «Esprit» en France et en Yougouslavie. Le reste provient des renseignements et témoignages fournis par le réseau personnel des rédacteurs, notamment en Allemagne et en Autriche, puis en France et en Tchécoslovaquie suite aux voyages de Segesser.


Edith Hiltbrunner & Floriane Gasser

Positions

«Entscheidung» se veut le porte-parole d’une jeunesse catholique engagée, défendant des valeurs morales basées sur la solidarité chrétienne et le maintient de la démocratie contre toute forme d’autoritarisme. Développant leur propre position indépendamment des mots d’ordre de l’Eglise officielle qu’ils jugent trop complaisante face au courant national-socialiste, les rédacteurs soutiennent que le catholicisme devrait se situer en deçà du débat gauche-droite et rejettent le pragmatisme politique mené par les conservateurs. Étiquetée dès les débuts comme se situant à gauche de l’échiquier politique, «Entscheidung» dément à plusieurs reprises ce positionnement.


Thème principal et récurant de la revue, la mise en garde des dangers du national-socialisme et du fascisme est ainsi traité sous l’angle de l’engagement chrétien. Critiquant vertement les dérives anti-démocratiques de la lutte contre le communisme menée par les autorités suisses, ils dénoncent les dangers d’un rapprochement avec le régime fasciste italien et soulève l’importance d’une liberté de la presse pleine et entière en Suisse. «Entscheidung» critique également le soutient de l’Eglise et de la Suisse officielle aux franquistes durant la guerre civile espagnole, faisant état d’une «verfehlte katholische Solidarität», la guerre ne pouvant se justifier par la défense d’intérêts supérieurs, fussent-ils la lutte contre le communisme. Refusant de prendre position pour l’une ou l’autre partie, «Entscheidung» publie cependant l’appel aux dons lancé dans le journal catholique français «La Croix» pour soutenir la population basque. Très lucide sur les enjeux et les conséquences de la guerre en Espagne, «Entscheidung» averti, à la fin du conflit, que si une nouvelle guerre européenne devait éclater, celle-ci serait alors totale, faite de conflits brutaux et sanglants sacrifiant la population civile.


Au niveau suisse, la revue défend les revendications du «Mouvement des lignes directrices», soutient le lancement de l’initiative réclamant la fin de l’état d’urgence, exige des mesures économiques (création d’emplois, augmentation des salaires pour les paysans et les ouvriers) basées sur un concept de solidarité chrétienne et de lutte contre l’égoïsme. Sur le plan social finalement, «Entscheidung» plaide pour l’introduction de l’AVS ainsi que pour une aide aux chômeurs. Après l’ «Anschluss» de l’Autriche à l’Allemagne nazie, la question de la politique du refuge menée par la Suisse devient brûlante et «Entscheidung» s’érige violemment contre la fermeture des frontières aux réfugiés juifs, considérant cette décision comme antisémite et raciste. Or, selon eux, «Man kann nicht gleichzeitig Christ und Antisemit sein», et le vrai chrétien est tenu, par ses valeurs morales, à la compassion et à la générosité.


Edith Hiltbrunner & Floriane Gasser

Financement

Le financement du journal est assuré en premier lieu par les ventes, puis par les annonces et à titre exceptionnel par des dons.


Le nombre d’abonnement varie selon les sources de (1200 à 2000), tout comme le nombre d’exemplaires vendus au numéro (500 à 2000). Les coûts d’impression oscillent entre 280frs et 329frs. Lors d’éditions sur un thème particulier, le tirage est alors augmenté à 4000 exemplaires, pour un surcoût d’environ 50Frs pour 1000 unités en plus. Ces frais supplémentaires sont pris en charge par Segesser et Stöckli.


En règle générale, 2 à 3 annonces sont publiées sur la dernière page de chaque numéro. Les éditions de décembre comportent exceptionnellement une page entière d’annonces, grâce à l’approche de Noël. La majorité est constituée d’annonces de journaux étrangers, tels que l’autrichien «“Der christliche Ständestaat“. Österreichische Wochenhefte» qui finance une publicité dans presque chaque numéro d’ «Entscheidung». Le journal catholique hongrois «Korunk Szava» fait partie des annonceurs réguliers, ainsi que la revue «La Cité chrétienne» de Bruxelles. D’autres journaux ne placent qu’une ou deux annonces, dont «Die Zeitung» l’organe de presse de l’ «Union franco-allemande», le «Monatshefte für Österreichische Aktivisten» ou le «Europäische Stimmen» de Zurich.


Les maisons d’éditions, dont les livres sont critiqués dans les colonnes du journal, insèrent également des annonces («Vita Nova» en particulier).


Des annonces de manifestations, telles que des conférences des rédacteurs de «Entscheidung» ou du groupe de travail des jeunes catholiques, trouvent leurs place dans ces colonnes.


Des publicités de commerces (pharmacie, coiffeur, quincaillerie, etc) situés aux alentours du siège de la rédaction sont insérées de temps en temps.


En raison des difficultés financières traversées par le journal, celui-ci publie dans son numéro du 15 juin 1939 un appel aux dons. L’action, qui dure jusqu’au 11 juillet, rapporte un total de 2'845.50Frs, divisés en montants allant de 50cts à 1’000Frs.


Edith Hiltbrunner & Floriane Gasser

Rayonnement

Le lectorat de «Entscheidung» provient, durant les trois ans de sa parution, du monde académique et intellectuel, la complexité stylistique de la revue freinant l’accès à un public plus large et moins érudit. Bien que l’adhésion au «Mouvement des lignes directrices» en février 1937 offre une plus grande visibilité à la revue, le tirage n’augmente pas et atteint entre 2000 et 3000 exemplaires, selon les sources. A Lucerne, la revue compte entre 200 et 300 abonnés, le reste du lectorat provenant principalement de Zurich. Quelques exemplaires sont envoyés à l’étranger, en particulier en France, en Allemagne et aux Etats-Unis, les liens entretenus avec les exilés allemand Otto Karrer et Rudolf Roessler ouvrant quelques portes vers un lectorat érudit outre-Rhin.


Intéressé par le personnalisme de la revue française «Esprit», le Groupe de travail invitera à plusieurs reprises Emmanuel Mounier en Suisse alémanique et il encourage la traduction de plusieurs de ses livres.?De plus, ils tissent des liens avec les adhérents au mouvement en Suisse romande, ce qui amènera «Entscheidung» à participer à la création du cahier spéciale d’ «Esprit» sur la Suisse paru en octobre 1937 et intitulé : «Personne et Fédéralisme».


En Suisse, des journaux de gauche tels que «Das Volksrecht* » ou «Die Freiheit» reprennent certains articles de «Entscheidung». Essayant de mettre à profit le réseau de la «Société suisse des étudiants», Stöckli et Schnieper, tous deux membres honoraires de la société, essuient un cuisant échec avec l’interdiction faite par la SSE à ses membres d’intégrer le «Groupe de travail des jeunes catholiques».


Edith Hiltbrunner & Floriane Gasser

Textes programmatiques

« […]Grundsätzlich müssen wir katholischen Christen – vor allem wir von der jüngeren Generation – davon abkommen, uns ins Schlepptau der parteiischen Interessenpolitik nehmen zu lassen. Geistig und moralisch kann uns die Partei, auch die sog. Christliche, wie sie heute ist, so gut wie nichts geben; wenn wir auf sie abzufärben suchen, nicht aber sie u n s e r Gesicht prägen. Was not [sic.] tut, ist eine Christianisierung unserer christlichen Parteien selbst, eine Durchleuchtung und Reinigung ihrer noch ganz überwiegend von wirtschaftlichem und sozialem Egoismus beherrschten Politik, die sich zur ersten Bedingung christlichen politischen Handelns – zur Vergeistigung der gesellschaftlichen Interessen – bis heute noch nicht bekannt hat. Ohne diese Befreiung des Denkens und Handelns von seinem bürgerlich-traditionellen materialistischen Inhalt aber gibt es keine christliche und katholische Gesinnung in der Politik. Ohne sie gibt es auch kein vaterländisches und n a t i o n a l e s B e w u s s t s e i n, das den Stürmen der Zeit standhält. Was immer wir heute als Schweizer an brennenden Fragen und Aufgaben zu lösen haben, kann nur in diesem christlichen Geist, der die parteiische Selbstgerechtigkeit und pharisäische Ueberheblichkeit ausschliesst, erfüllt werden. […] »


Entscheidung, Eidgenössisches Werkblatt, no 1, 1. octobre 1936.


 


«Die “Richtlinien für den wirtschaftlichen Wiederaufbau und die Sicherung der Demokratie”, ihre Vertretung durch den über alle Parteischranken hinweg sich zusammenfindenden Grossteil des arbeitenden Volkes und ihre Ablehnung und Bekämpfung vorwiegend unter geldpolitischem oder rein parteipolitischem Gesichtspunkt haben bereits jetzt eine weittragende Veränderung aller unserer politischen Verhältnisse herbeigeführt. […] Nicht zuletzt deshalb, weil wir eine solche Entwicklung für unser Land vermeiden, das Anliegen des Christentums von materiellen, ja auch von bürgerlich-parteipolitischen Interessen säuberlich unterschieden und die gerechte und notwendige Forderung einer wirtschaftlichen und sozialen Sicherung der Demokratie auch als eine Forderung katholischer Eidgenossen vertreten sehen wollen, s e t z e n w i r u n s f ü r d i e R i c h t l i n i e n b e w e g u n g ein. Gewissenhaft und einzig und allein bestrebt, die ‚Richtlinien’ nach ihrem geistigen und moralischen, sozialen und eidgenössischen Inhalt zu würdigen, haben wir Punkt für Punkt des Richtlinienprogramms auf seine Tauglichkeit als ein Mittel zur Sammlung unseres Volkes und zur Erfüllung unserer nächsten und dringendsten Aufgaben geprüft. Uebereinstimmend sind wir dabei zu dem Ergebnis gelangt, dass die Zustimmung zu den ‚Richtlinien’ nicht nur jedem katholischen Eidgenossen möglich ist, sondern zugleich auch, sofern er nicht zu Vorbehalten greift, die weder mit dem Christentum noch mit dem eidgenössischen Wesen etwas zu tun haben, zu einer sozialen und moralischen Pflicht wird. »


Arbeitsgemeinschaft junger Katholiken in der Schweiz, Redaktionskommission „Entscheidung“, Entscheidung, Eidgenössisches Werkblatt no 11, 28 février 1937.


Edith Hiltbrunner & Floriane Gasser

Avis contemporains

Sous-titre
Eidgenössisches Werkblatt
Périodicité
01.10.1936-15.05.1939: bi-mensuel 15.06.-15.08.1939: mensuel
Dates de parution
1. octobre 1936 -15. août 1939
Pagination
4 à 6 pages par numéro. Pagination continue sur une année : 1. octobre 1936-15. septembre 1937 : 144 p.; 1. octobre 1937-15. septembre 1938 : 140 p.; 1. octobre 1938-15. août 1939 : 120 p.
Format
46,5cm x 31cm
Année de fondation
1936
Lieu d'édition
Lucerne
Rédacteur responsable
Editeur
Entscheidung, Rütligasse 1, Lucerne
Imprimeur
Schill & Cie., Lucerne
Prix
Vente au numéro : 0.25 Fr. Abonnement annuel: 5 francs pour la Suisse, 6 francs pour l'étranger
Remarque
Le journal n'est pas illustré, mais comporte des annonces et publicités diverses
Otto KARRER (1888 - 1976)

Né en 1888 à Ballrechten en Allemagne, Otto Karrer étudie la théologie et entre chez les Jésuites en 1910, puis est ordonnée prêtre en 1920. Après un doctorat en théologie et philosophie en 1922, il traverse une crise confessionnelle et personnelle qui l’amène à sortir de l’ordre des Jésuites et à s’intéresser au protestantisme. Il ne quitte cependant pas l’Eglise catholique et est nommé, après une longue phase de réhabilitation, "Weltpriester" à Weggis (Grisons), puis responsable de la cure d’âme à Lucerne. Fondateur du mouvement œcuménique en Suisse, il s’oppose en outre aux théories raciales et antisémites d’Alfred Rosenberg et soutient de nombreux exilés allemands ayant fuit l’Allemagne nazie. Il obtient la nationalité suisse en 1935. Considéré, avec Rudolf Roessler, comme le "chef spirituel" du «Groupe de travail des jeunes catholiques» et du journal «Entscheidung», il publie dans celui-ci 8 articles traitant principalement de l’histoire de l’Eglise. Après la guerre, il fonde des groupes de discussions entre réformés et catholiques en Suisse alémanique, préside la fondation pour le «Secours chrétien international» et co-fonde la «Société suisse de théologie» en 1964.

Edith Hiltbrunner & Floriane Gasser

Bernhard MAYR VON BALDEGG (1909 - 1980)

Fils d’une famille patricienne de Lucerne, Mayr fréquente l’école secondaire «Klosterschule» de Stans avant de faire des études de droit couronnées par l’obtention d’un doctorat sur le droit de la construction en 1938. Durant son cursus, il effectue un semestre d’étude en Allemagne, séjour qui sera déterminant pour son engagement futur en Suisse. Il y rencontre notamment Rudolf Roessler et Romano Guardini. Membre fondateur du «Groupe de travail des jeunes catholiques suisses» en 1936 et membre du comité de rédaction du journal «Entscheidung», il occupera un poste haut placé dans les services de renseignements suisses durant la Deuxième guerre mondiale. En mai 1944, il est soupçonné de transmission d’informations militaires à son ami Rudolf Roessler, emprisonné préventivement, puis relâché et lavé de tout soupçon.

Edith Hiltbrunner & Floriane Gasser

Rudolf ROESSLER (1897 - 1958)

Né en Allemagne en 1897 d’un père garde forestier, il participe comme volontaire à la Première guerre mondiale. Homme de théâtre, il est critique, puis conseiller dramatique et finalement metteur en scène à Augsburg. Directeur du «Bühnen-Volksbund» à Berlin à la fin des années 1920, il édite également le journal «Das National-Theater». Menacé de mise au pas, il fuit l’Allemagne et se réfugie en Suisse, invité pas son ami Schnieper. Il fonde alors à Lucerne la maison d’édition «Vita Nova», qu’il utilise comme plateforme pour la défense de valeurs chrétiennes et humanistes contre le national-socialisme. «Vita Nova» édite notamment une traduction de l’ouvrage d’Emmanuel Mounier du mouvement «Esprit» en France ainsi que des textes de Paul Claudel et des recueil de textes de personnalités des trois confessions chrétiennes. Déchu de sa nationalité allemande, il signe tous ces articles dans «Entscheidung» sous un pseudonyme afin de se protéger. Durant la Deuxième guerre mondiale, il servira comme informateur auprès des services secrets suisses et soviétiques. Condamné en 1945 par un tribunal suisse pour sa collaboration avec l’Union soviétique, il ne sera cependant pas expulsé du pays de part son statut d’apatride. De 1947 à 1952, il continue à transmettre des informations à l’URSS par l’intermédiaire des services secrets tchécoslovaques. Condamné à nouveau en 1953 pour ces activités, il écrit ensuite sous un pseudonyme pour le journal lucernois «Freie Innerschweiz». Il termine sa vie seul et aigri, ses activités d’espion rouge l’ayant éternellement mis au banc de la société suisse.

Edith Hiltbrunner & Floriane Gasser

Xaver SCHNIEPER (1910 - 1993)

Fils du conseiller d’Etat conservateur de Lucerne du même nom, membre depuis son passage à la «Klosterschule» de Stans de la «Société suisse des étudiants», Xaver Schnieper fréquente les universités de Königsberg, Berlin et Vienne et obtient en 1935 un doctorat en littérature. Fortement marqué par son séjour dans la capitale allemande au moment de la prise du pouvoir par Hitler et de l’autodafé de 1933, il y rencontre également Rudolf Roessler et Romano Guardini. Membre fondateur du «Groupe de travail des jeunes catholiques» et rédacteur de «Entscheidung», il publie des articles pour le journal «Die Nation» et effectue plusieurs voyages en Tchécoslovaquie et Lituanie. Il travaille parallèlement comme bibliothécaire cantonal à Lucerne de 1936 à 1945. Mobilisé durant la Deuxième Guerre mondiale, il intègre les services secrets suisses et recommande son ami Roessler comme source d’information fiable. Après la guerre, Schnieper adhère au Parti du Travail, dont il devient le président de la section lucernoise. Rédacteur du journal communiste «Vorwärts» de 1945 à 1946, il quitte le PdT et travaille pour Caritas de 1947 à 1949. Correspondant à Bonn pour le journal du Parti socialiste «Das Volksrecht», il est condamné en 1953 pour avoir collaboré avec les services secrets soviétiques. Tout au long de son parcours, il publie quelques livres d’études littéraires et de documentation historique. Son épouse, Annemarie Schnieper, dirige dès 1949 la revue «Extempore», considérée comme successeur de la revue «EntscheidunG».

Edith Hiltbrunner & Floriane Gasser

Hans Ulrich SEGESSER VON BRUNEGG (1909 - 1983)

Lui aussi fils d’une famille patricienne lucernoise et élève de la «Klosterschule» de Stans, Segesser séjourne quelque temps en Autriche (Vienne) durant ses études en économie politique, qu’il conclue en 1935 par l’obtention d’un doctorat de l’Université de Bâle. Responsable du financement du «Groupe de travail des jeunes catholiques» et membre du comité de rédaction de «Entscheidung», il officiera dans le secteur de la censure durant la Deuxième guerre mondiale. Après la guerre, Hans Ulrich Segesser est journaliste aux «Luzerner Neuste Nachrichten». Il sera surveillé et interrogé plusieurs fois par le Ministère public fédéral sur ses liens avec Rudolf Roessler et Xaver Schnieper.

Edith Hiltbrunner & Floriane Gasser

Arnold STÖCKLI (1909 - 1997)

Originaire de Nidwald, il quitte la «Klosterschule» de Stans avant l’obtention de son diplôme, puis étudie l’architecture à l’école d’ingénieurs de Berthoud, où il devient membre de la société d’étudiants la «Ruithonia», avant d’intégrer la «Société suisse des étudiants» en 1927. Il effectue la plus grande partie de ses études d’architecture à Stuttgart et Vienne, où il retrouve son ami Schnieper. De retour en Suisse, il est membre fondateur et président du «Groupe de travail des jeunes catholiques suisses» et rédacteur principal de «Entscheidung». Officier durant la mobilisation, il travaille comme architecte indépendant dès la fin de la guerre, mais son activité professionnelle semble avoir été longtemps entravée par son passé au sein de «Entscheidung» et ses liens avec Rudolf Roessler et Xaver Schnieper, le police fédérale l’ayant soupçonné et interrogé à plusieurs reprises, avant de le blanchir complètement.

Edith Hiltbrunner & Floriane Gasser

Références bibliographiques de la littérature secondaire

  • ALTERMATT, Urs, « Einführung », in Schweizer Katholizismus zwischen den Weltkriegen. 1920-1940, ALTERMATT, Urs (dir.), Freiburg : Universitätsverl., 1994, pp. 3-24
  • HAAG, Alice, “Entscheidung. Eidgenössisches Werkblatt” (1936 – 1939). Eine Zeitung zwischen Richtlinienbewegung, Abwehr des Nationalsozialismus und christlicher Erneuerung , Fribourg : Lizentiatsarbeit, 1995, 137 p.
  • MORANDI, Pietro, Krise und Verständigung. Die Richtlinienbewegung und die Entstehung der Konkordanzdemokratie 1933-1939 , Zurich : Chronos, 1995, 475 p.
  • PYTHON, Francis, « “Maintenir l’ordre ou le faire?” Présence et dilemmes des personnalistes d’Esprit en Suisse dans les années trente », in Le goût de l'histoire, des idées et des hommes: mélanges offerts au professeur Jean-Pierre Aguet, CLAVIEN, Alain et MÜLLER, Bertrand (dir.), Vevey : Editions de l'Aire, 1996, pp. 131-151
  • DELLSPERGER, Rudolf et FATIO, Olivier et SCHENKER, Lukas et VISCHER, Lukas, Histoire du christianisme en Suisse. Une perspective oecuménique , Fribourg : Ed. Saint-Paul, 1995, 249-253 p.